Les médicaments « soignent mieux les hommes que les femmes », annonce Science et Vie. Retour sur une exclusivité qui n’en est pas une. Et sur les exagérations de la presse.
« Exclusif », annonce le magazine Science et Vie en couverture de son dernier numéro, publié ce lundi 21 juillet : les médicaments « soignent mieux les hommes que les femmes ». Exclusif ? Pas vraiment. En pages intérieures, le dossier du magazine n’en rajoute d’ailleurs pas. Comme il le rappelle, cela fait une dizaine d’années que de plus en plus d’études observent les différences genrées de l’approche médicale, qui concernent les symptômes, l’efficacité des traitements, ou leurs effets secondaires.
La revue Scientific American le rappelait voilà un mois : « 80% des médicaments retirés du marché aux Etats-Unis entre 1997 et 2001 étaient plus dangereux pour la santé des femmes que des hommes, selon un rapport gouvernemental ». Et de faire le point sur quelques médicaments psychotropes qui agissent différemment sur les femmes et les hommes.
Quelques mois plus tôt, l’agence américaine des médicaments (Food and Drug Administration) appelait les laboratoires à abaisser les posologies des somnifères contenant du zolpidem, en particulier pour les femmes car « elles éliminent le zolpidem plus lentement que les hommes »
Ce biais genré de la médecine est non seulement étudié, mais évoqué dans la presse depuis plusieurs années déjà. Se posait par exemple à l’automne dernier la question des critères de dépression (Voir : Et si les femmes n’étaient pas plus déprimées que les hommes ?). Le magazine Causette interrogeait début 2013 : « Les médocs, c’est que pour les mecs ? ».
Si les médicaments sont moins efficaces pour les femmes que pour les hommes, c’est d’abord parce que les rats mâles sont surreprésentés dans les essais en laboratoire, et le biais persiste dans les tests cliniques sur les humains. « Trop peu nombreuses » pour ces tests, « les femmes se voient proposer des médicaments pas toujours adaptés à leur physiologie », notait ainsi Le Figaro en mars 2012. Avec le cas « particulièrement frappant dans les essais effectués pour des traitements contre le sida. Alors que les femmes représentent 55% des personnes séropositives dans le monde, elles sont seulement 15 à 20% à participer aux tests aujourd’hui. »
Développer les études de genre dans le domaine de la santé, c’est ce que préconisait un groupe de travail de l’Inserm, pas plus tard que le mois dernier (Voir : Le genre au secours de la santé).
Des va-t-en guerre dans la presse
La très exagérée mention « exclusif » de Science et Vie lui a permis une large couverture médiatique… avec parfois d’étranges considérations. De graves exagérations, d’abord : les médicaments « seraient deux fois plus dangereux pour les femmes » titre ainsi La Dépêche. Une affirmation que rien ne vient étayer – sinon une large analyse menée en 2008 en Allemagne qui selon Science et Vie pointe « un risque d’effets secondaires 50% supérieur chez les femmes ». Mais 50% supérieur, ce n’est pas deux fois plus. Et « dangereux », le mot est exagéré pour parler d’effets secondaires.
Si le magazine parle d’« injustice », certains titres de presse vont jusqu’à jouer la carte de la « guerre des sexes ». C’est le cas de RFi qui emploie cette expression outrancière, de même que L’Express. De son côté Le Parisien ose cette accroche : « N’en déplaise aux féministes, homme et femme ne devraient pas être traités de la même façon, leur corps ne s’exprimant ni ne réagissant pareil. » Un discours désolant, qui oblige à rappeler que les « féministes » ne clament pas l’indifférenciation des sexes, comme l’assène la Manif pour tous, mais l’égalité des droits.