Il laisse sa famille en plan pour réaliser son rêve de course en mer, les médias font de lui un héros. Encore !
Avec la transat Jacques Vabre, la fabrique à héros est en vogue dans les médias. Et les héros sont des hommes, inspirés par d’autres hommes qui les ont précédés dans les compétitions et dans les gazettes. L’un d’entre eux, Fabrice Amedeo, racontant son histoire sans le moindre scrupule, a provoqué quelques réactions hostiles sur les réseaux sociaux… Mais ce ne sont que des gouttes d’eau dans un océan de superlatifs admiratifs comme dans le Télégramme qui le voit faire « son entrée dans la cour des grands » ou Ouest-France qui lui ouvre largement ses colonnes pour qu’il s’étale « serein et ambitieux ».
Répondant à une interview de « Brut », le héros raconte sa conversion de journaliste au Figaro à skipper à plein temps. Il évoque le contexte : en 2013, sa femme vient d’accoucher de leur troisième enfant, elle est en train de l’allaiter, il pose sur la table de nuit une lettre l’informant de la décision qu’il vient de prendre puis il part travailler. Dans cette lettre, il dit lui expliquer « pourquoi cet amour de l’océan rend inéluctable le fait de partir sur le Vendée Globe » et, précise-t-il « je termine en lui disant que je ne lui demande pas son autorisation mais par contre, je veux son adhésion pleine et entière à ce projet », suivent, sur cette vidéo des images du héros bravant la mer, et le récit romanesque de son aventure entrepreneuriale. Jamais fatigué de se frapper la poitrine, le héros raconte comment il a opéré une véritable « révolution copernicienne dans sa vie », le « parcours du combattant » pour trouver des financements, comment il a hypothéqué « sa » maison…
Sur facebook Brigitte Laloupe alias « Olympe et le plafond de verre » lance : « Belle histoire ? J’aurais préféré l’interview de son épouse qui s’occupe des trois enfants, dont un bébé et de tout le quotidien depuis ». Sur twitter les commentaires acerbes vont bon train : @Paulin_No dit : « Après, à la décharge du monsieur, il aidait probablement déjà pas sa femme avec les 3 mômes, donc avec ou sans lui elle n’a pas dû voir la différence » et @didjule répond « Ah ben si, un môme de moins à gérer ! » Mais sur Facebook, les commentaires sont plus mitigés, partagés entre admiration du skipper pour les un.e.s et indignation pour les autres.
Pas de quoi changer fondamentalement notre imaginaire collectif pétri de sexisme. Car dans les « grands » médias, on continue d’héroïser les hommes et d’ignorer les femmes. C’est particulièrement vrai dans les rubriques sport qui continuent de consacrer près de 90 % de leur surface éditoriale à des hommes… Et à la fin, tout le monde trouve normal que papa aille faire du sport avec ses copains pendant que maman s’occupe de la maisonnée. Les médias, fabriques à héros, restent une fabrique à sexisme.
Pour voir la vidéo sur FB : https://www.facebook.com/brutofficiel/videos/1407090192797497/