Miss France 2024 est victime d’un cyberharcèlement aux accents misogyne, lesbophobe et transphobe. Alors qu’elles déplorent l’existence même d’un concours de « Miss France », de nombreuses féministes ont pris la défense de la jeune femme.
Elle s’appelle Eve Gilles, elle a 20 ans, souhaite devenir statisticienne, et c’est désormais le « nouveau visage de la France pour la prochaine année 2024 » : sacrée gagnante du concours de beauté, la Miss Nord-Pas-de-Calais aux cheveux courts espère représenter « la diversité » des femmes. Une diversité qui a déchaîné des torrents de haine sur les réseaux sociaux, Son corps, ses cheveux courts ou sa mâchoire…, tout y passe. Les commentaires misogynes ont commencé à la minute même de son élection. « Miss planche à pain elle est laid aucun charme », « avec sa gueule de lesbienne et sa coupe de garçon de 6 ans !! », « une pub pour l’anorexie ??? » : voilà le genre de commentaires qui ont fleuri sur les réseaux sociaux, de Twitter à Instagram en passant par Tik Tok.
Si le concours en lui-même est bien loin d’être féministe, les associations féministes ont dénoncé le cyberharcèlement vécu par la gagnante. Elsa Labouret, porte-parole d’Osez le féminisme, s’est exprimée sur BFMTV.com. « Commenter l’apparence d’une femme, la dévaloriser, c’est tout simplement du sexisme » a-t-elle déclaré, tout en rappelant qu’« On ne peut pas considérer que l’événement Miss France est féministe, on reste sur un concours de beauté qui met les femmes en compétition. On est même plus sur du ‘feminist-washing' ». La nouvelle Miss, qui se distingue par ses cheveux courts, a subi de plein fouet la misogynie, de la lesbophobie et les commentaires insultants.« La longueur des cheveux, la taille de la poitrine, c’est extrêmement évocateur des critères de beauté dits féminins attendus et de la représentation qu’on en a » a-t-elle ajouté, dénonçant des canons de beauté illustrant « ce qu’on attend d’une femme sur sa performance ou sa non performance de féminité », a rappelé à BFMTV Elsa Labouret.
Des femmes qui ne se revendiquent pas forcément féministes ont aussi apporté leur soutien à la jeune Miss France. Comme l’influenceuse mode beauté EnjoyPhoenix, alias Marie Lopez, engagée contre le harcèlement, qui dénonce au passage le sexisme du concours. D’anciennes Miss également, comme Diane Leyre, Miss France 2022, ont apporté leur soutien à Eve Gilles, lui souhaitant la bienvenue dans cette grande famille des Miss.
Soutien de responsables politiques
Certaines personnalités politiques se sont également exprimées très rapidement : Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français a fait part de son « soutien à Ève Gilles, élue Miss France, qui subit déjà la violence d’une société qui n’accepte pas que les femmes se définissent par elles-mêmes dans toute leur diversité ». Quant à la députée écologiste Sandrine Rousseau, elle s’est fendue de plusieurs tweets pour dénoncer les commentaires misogynes visant la jeune femme. « Donc, en France, en 2023, on mesure la progression du respect des femmes à la longueur de leurs cheveux ? », écrivait-elle, avant de se dire « effarée » par les commentaires haineux.
Le soutien est également venu de Marine Tondelier, secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts, qui s’est exprimée sur X (ex-Twitter) : « On peut avoir chacun un avis sur le concours Miss France. Mais qu’on lâche la grappe aux femmes! ».
Un déferlement de haine transphobe, accusant le « wokisme »
Les commentaires visant Eve Gilles sont aussi marqués par la transphobie, la comparant à un homme en raison de sa petite poitrine ou de sa mâchoire. « Miss France a été élue parce qu’elle se revendiquait différente avec ses cheveux courts et son discours woke », « on fait une énième fois la promotion lors d’un « Miss France » de tout ce qui est fondamentalement contraire à ce qu’est une belle femme » pouvait-on lire sur les réseaux sociaux. L’élection de la jeune femme serait un complot « wokiste », d’autant que le jury était cette année 100% féminin. Une manière de plus pour les conservateurs et masculinistes de cibler les femmes et les féministes qui « dénatureraient » tout, y compris Miss France… « Certaines personnes ont peur qu’en remettant en cause les stéréotypes de genre, les fondements de la société s’effondrent. Pour elles, Miss France reste un des derniers bastions de la féminité. Pourtant, ce concours et ses participantes évoluent, tout comme la société » rappelait Elsa Labouret d’Osez le féminisme à BFMTV.
Après plusieurs jours de cyberharcèlement, Eve Gilles s’est exprimée dans La Voix du Nord, déclarant « Cela m’a blessée, même si j’ai réussi à m’en relever parce que je suis très entourée. Certaines personnes ont commencé à se déchaîner. C’est assez dur », avant d’ajouter : « Je m’attendais à recevoir des critiques sur mes cheveux, donc j’étais prête. Mais je ne m’attendais pas à subir des critiques sur mon corps. Le corps, on ne le choisit pas, une coupe de cheveux, on peut la modifier ».
Pourquoi devrait-elle la modifier ? Au-delà du cyberharcèlement, le physique de Miss France a été jeté en pâture et livré à d’innombrables débats et commentaires sur la longueur des cheveux des femmes. Et, sur les réseaux sociaux, comme dans les médias, un dogme est réapparu : les cheveux courts c’est pas féminin… Entre ces vagues de discours réactionnaires et le cyberhacèlement, une chose est sûre, les concours de miss ne profitent pas au féminisme