Les normes sexistes sont sans cesse réactivées démontre le rapport annuel sur le sexisme du Haut Conseil à l’égalité. Ce qui conduit de plus en plus les femmes à renoncer à s’imposer en milieu hostile. Le HCE appelle à éduquer, réguler et sanctionner.
« Le sexisme commence à la maison, continue à l’école et explose en ligne », déplore le Haut Conseil à l’égalité (HCE) dans son 6e rapport annuel sur l’état du sexisme en France*. Mais le rapport montre aussi que ce sexisme conduit de plus en plus souvent les femmes à se taire et à limiter leurs ambitions. Par exemple, 74% des femmes n’ont jamais envisagé de carrière dans les domaines scientifiques ou techniques.
Réalisé à partir d’un échantillon de 3.500 personnes, le baromètre du HCE met en exergue trois données : « 70% des femmes estiment ne pas avoir reçu le même traitement que leurs frères dans la vie de famille, près de la moitié des 25-34 ans pense que c’est également le cas à l’école et 92% des vidéos pour enfants contiennent des stéréotypes genrés »
Le sexisme infuse dans tous les recoins de la société. S’il insiste peu, cette fois-ci sur la vie professionnelle, le HCE attire une nouvelle fois l’attention sur le numérique et l’industrie du porno qui réarment dangereusement le sexisme. Ces thèmes ont fait l’objet de rapports récents.
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Les idées machistes progressent
Nouvelle jeunesse pour les idées machistes. Les hommes de 25-35 ans sont un sur trois à estimer « qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants ». Ils étaient un sur 4 à le penser auparavant. Et cette croyance gagne aussi de plus en plus de femmes : 7 points de plus qu’au dernier baromètre pour convaincre 34% de femmes.
Le HCE résume ainsi la recrudescence de sexisme : « La ‘résistance’ masculine se fait également sentir par rapport aux évolutions de la société : 37% (+3 points) des hommes considèrent que le féminisme menace leur place. Plus d’un homme sur 5 de 25-34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal. 70% des hommes pensent encore qu’un homme doit avoir la responsabilité financière de sa famille pour être respecté dans la société. Plus de la moitié de la population trouve encore normal ou positif qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille. »
L’idée que « les femmes sont naturellement plus douces que les hommes » progresse de 3 points chez les femmes (53%) et l’idée « qu’il est normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants » gagne 7 points (34%).
Les femmes sont toujours aussi nombreuses à dire avoir subi une situation sexiste : 9 sur 10. Les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas : 37% des femmes déclarent toujours avoir vécu une situation de non-consentement et ce chiffre grimpe à 50% chez les 25-34 (Mais seulement 23 % des hommes reconnaissent avoir été l’auteur d’au moins une situation de non-consentement.)
9 femmes sur 10 ont déjà renoncé à faire face au sexisme
Au-delà des chiffres mettant en exergue le sexisme ambiant, le rapport est émaillé de renoncements des femmes à faire face à ce sexisme : 9 femmes sur 10 ont déjà renoncé à des actions ou modifié leur comportement pour ne pas être victimes de sexisme.
- 58% déclarent qu’elles ont déjà renoncé à sortir faire des activités seules et c’est 3 points de plus que l’an dernier
- 44% déclarent qu’elles ont fait attention à ne pas hausser le ton (+ 3 points) ;
- 43% déclarent qu’elles ont censuré leurs propos par crainte de la réaction des hommes (+ 3 points).
Éduquer, réguler et sanctionner
A l’issue de son rapport le HCE propose un plan d’action qui repose sur trois piliers : éduquer, réguler et sanctionner. Un plan réclamé par les féministes depuis longtemps sans vraiment aboutir… Un plan attendu par l’opinion. Car si le rapport montre une poussée de machisme dans la société, il montre aussi une prise de conscience face à des comportements qui autrefois étaient tolérés.
Le HCE appelle les pouvoirs publics à «une action forte, continue et globale», à mener «dans l’éducation, l’espace numérique et l’exercice de la justice». «Il n’est plus possible de se contenter de dénoncer et sanctionner les comportements sexistes, il faut s’attaquer aux racines du mal, et de toute urgence» écrit le HCE «Une action publique forte, continue et globale doit donc être menée dans l’éducation, l’espace numérique et l’exercice de la justice. Précisément parce qu’il est une construction sociale, le sexisme n’est pas une fatalité : s’y attaquer est un objectif réaliste et concret».
Sur France Inter ce lundi 22 janvier, la présidente du HCE Sylvie Pierre-Brossolette affirmait avoir reçu l’assurance du Premier ministre Gabriel Attal que « les cours, prévus par la loi il y a vingt ans, vont enfin être mis en place à la rentrée 2024 »… Même s’il tient ce premier engagement, pas sûr que cela suffise à réarmer la lutte contre le sexisme.
En attendant, le HCE annonce le lancement d’une nouvelle campagne de sensibilisation, réalisée par l’agence BETC, dans le cadre de la première journée nationale officielle de lutte contre le sexisme du 25 janvier intitulée : « Faisons du sexisme de l’histoire ancienne ! »
*publié le 22 janvier 2024. Piloté par Xavier ALBERTI, Marie-Anne BERNARD, coprésident·es de la Commission
« Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux » et Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE, Présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes.