Les meurtres de femmes par leur conjoint ont longtemps été traités en « faits divers » dans la presse. Quelques médias commencent à y voir un sujet politique.
A force d’être interpellés sur les réseaux sociaux, les journaux commencent à évoluer. Dans la soirée du 6 avril 2019, à Vidauban dans le Var, une femme de 50 ans a été tuée par son compagnon, par arme à feu. Elle avait appelé les gendarmes vers 20 heures quand il l’avait menacée. Les gendarmes sont venus puis repartis lorsque l’homme s’est enfui. La femme devait quitter son domicile. A peine le temps de prendre quelques affaires, il revenait et la tuait. Dans le premier récit qu’en a fait France3 Côte d’Azur, il était question de « drame conjugal. » – on a échappé à « drame passionnel ». Mais une association a interpellé le média sur twitter et le site d’information a revu sa copie. En revanche, le quotidien régional Var Matin, interpellé lui aussi a gardé l’expression dans le « chapô » de l’article : « Un drame conjugal, comme le décrit le parquet, s’est noué dans la nuit de samedi à dimanche à Vidauban, entraînant le décès d’une femme de 50 ans. » Entre le parquet et le journal, un « meurtre » reste requalifié plus légèrement.
Mais France Télévisions a ensuite traité cette affaire en profondeur. Dans le journal de 20 heures de France2 du 9 avril un long sujet est consacré à la question : « comment protéger les femmes victimes de violences conjugales ? » Après avoir évoqué le meurtre du Var, le journal interroge des proches d’une autre victime assassinée par son compagnon en Corse il y a quelques semaines. Dans les deux cas, les forces de police et de gendarmerie avaient dû intervenir à plusieurs reprises bien avant le meurtre sans parvenir à protéger ces femmes. Dans le Var, le conjoint violent était interdit de domicile conjugal mais ça n’a pas suffi. Puis un représentant des syndicats de policiers déplore le manque de moyens pour protéger toutes les femmes. L’avocate Isabelle Steyer ajoute qu’il faut également davantage de moyens pour héberger les femmes contraintes de fuir un mari violent. La présentatrice du journal rappelle que 32 femmes ont été tuées par leur conjoint depuis le début de cette année. Puis une ex-victime explique la descente aux enfers des violences conjugales, le long parcours pour en sortir et se reconstruire. Elle explique au passage que certains, dans son entourage, ne la croient toujours pas, malgré la condamnation de son ex-compagnon. Le phénomène des violences conjugales, minimisé et mal traité par les médias et par les pouvoirs publics jusqu’ici, ne permet pas de comprendre ce qui se passe dans le huis clos de certains foyers.
Mais les médias évoluent. Même Var Matin, qui n’en a pas fini avec l’expression « drame conjugal », a voulu traiter le sujet autrement qu’en simple faits divers. Le quotidien a interviewé Louisette Maret, présidente de l’association Le Cap qui vient en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Elle ne manque pas d’idées pour que la société prenne la question à bras-le-corps. Comment renforcer la surveillance des conjoints violents éloignés du domicile conjugal ? « Un bracelet électronique à la moindre condamnation. Et si le dispositif prévient que l’interdiction d’approcher est bafouée : prison. Cela doit être inscrit dans la loi» dit-elle.
Jeudi matin, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes était interviewée par RTL à propos de ce crime. Elle a déploré le fait « qu’on voit de plus en plus de cas de féminicides dans lesquels tous les dispositifs existants ont été déployés », sans que cela empêche « le meurtre de ces femmes ». Elle demande à la justice un « gros effort» pour « faire en sorte que les violences conjugales soient mieux condamnées dès le début, que l’on n’attende pas que l’on arrive au meurtre de ces femmes. » Ce jeudi soir elle indiquait qu’elle recevait les associations
Quand le sujet est traité, non pas comme un fait divers isolé mais comme un sujet de société et un sujet politique, ça peut changer la donne. La violence conjugale concerne tout le monde : les journalistes et magistrats qui qualifient les faits, les forces de police, la justice, l’entourage des victimes et les responsables politiques qui doivent consacrer davantage de moyens à la protection des femmes. Et il y a urgence car le nombre de victimes ne diminue pas, il aurait même tendance à augmenter.
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