Le projet d’installer une statue de Gisèle Halimi à la place de celle Napoléon n’est qu’à l’état de consultation citoyenne mais les conservateurs crient -très fort- avant d’avoir mal.
C’est un article du Figaro qui a mis le feu aux poudres lundi. Pour le très droitier quotidien, l’affaire est entendue : « à Rouen, la mairie féminise l’espace public à marche forcée ». Le journal est très inquiet : « Et si une femme parvenait à détrôner l’Empereur? Et si la majestueuse statue équestre de Napoléon Ier , qui siégeait depuis 1865 devant l’hôtel de ville de Rouen, était, elle aussi, exilée sur une île minuscule? » écrit le journal. Il en veut particulièrement au maire PS, Nicolas Mayer-Rossignol qui, selon lui, « n’a pas spécialement envie de la voir revenir sous ses fenêtres. » Le Figaro va un peu vite en besogne : plus loin, il écrit lui-même qu’« une consultation citoyenne doit être lancée. »
Mais au lendemain des journées du Matrimoine et quelques jours après qu’Anne Hidalgo a annoncé sa candidature à la présidence de la république à Rouen, c’en est trop pour les conservateurs ! Les opposants au maire sont sur le pied de guerre. Des étudiants, membres de l’organisation universitaire très à droite UNI, pétitionnent et se précipitent sur les micros avides de polémiques. Du coup, le sujet enflamme les matinales radio et télé ce mardi matin.
Le projet n’est pourtant pas nouveau. C’est l’an dernier qu’il a été lancé, au moment où la statue de Napoléon devait être déboulonnée pour être restaurée. France Bleu l’annonçait d’ailleurs maladroitement dans un titre qui ne citait pas le nom de la grande avocate féministe : « Remplacer la statue de Napoléon par celle d’une femme : le maire de Rouen veut lancer une consultation » (lire : « UNE FEMME », L’EXCEPTION QUI CONFIRME LA RÈGLE « SANS FEMME »)
Dans 76Actu, le maire rappelle ses propositions : déplacer la statue de l’empereur sur l’île Lacroix car « le bout de l’île est sûrement l’un des emplacements les plus visibles de la ville ! » Il assume sa volonté de sortir les femmes de l’invisibilité : « la représentation des femmes dans l’espace public ne doit pas se faire de manière quantitative, mais plutôt qualitative. Il s’agit d’offrir des lieux de grande visibilité, et non pas des placettes ou des ruelles. Quand 99,9 % des rues ont des noms masculins, il convient de se demander si c’est une bonne ou juste façon de représenter l’humanité. »
Mais ce matin, c’est un festival sur les ondes et dans les gazettes. Essayer de comprendre le lien entre la place des femmes dans l’Histoire et leur place dans la société n’est pas au centre des débats. Sur Sud-Radio, Sophie de Menthon dit que « les bras lui en tombent », crie halte à la « woke culture», sans autre forme de réflexion et diffuse de fausses informations laissant croire que la statue de Napoléon serait simplement supprimée.
Sur Europe1, le patron de l’Opinion, Nicolas Beytout est aussi scandalisé et ne cache pas son mépris pour la cause des femmes défendue par Gisèle Halimi : « si on veut considérer l’œuvre de Napoléon et bien sûr l’excuser d’avoir été un homme, comparer son rôle dans l’histoire à celui de Gisèle Halimi peut tout de même sembler audacieux » affirme-t-il. Et il s’engage dans ce qu’il croit être de l’humour sur la féminisation des noms. Il suggère de rebaptiser « le gros horloge » de Rouen « la grosse horloge » et de transformer les rues du quartier Flaubert en Madame Bovary…
Sans oublier la parole donnée aux auditeurs et auditrices qui vont se charger d’expliquer que sortir les femmes de l’invisibilité, c’est se tromper de combat. Nadine, auditrice de RMC l’assure : « Je suis féministe depuis toujours, il y a d’autres combats à mener : l’avortement, la contraception… Tout le monde pense que c’est acquis. Absolument pas ! » Et la journée n’est pas terminée…