Le livre « Mon vrai nom est Elisabeth » est un succès de librairie depuis sa sortie en mars dernier. Enquêtant sur le silence entourant son arrière-grand-mère, internée dans les années 50, Adèle Yon dénonce la maltraitance des femmes par la psychiatrie et la contagion de la souffrance sur plusieurs générations.
Betsy est folle. L’été dans la maison de famille de Bretagne, la vieille dame saute dans la piscine comme une grenouille et dit des énormités aux repas devant les enfants qui la moquent et la craignent. L’araignée électrique qui nettoie le fond de la piscine est surnommée « la grand-mère ». Arrière-petite-fille de Betsy, Adèle a mené une enquête sur plusieurs années afin de faire surgir du silence cette jeune femme née en 1916, dont le vrai prénom était Elisabeth et qui a été internée pour schizophrénie de 1950 à 1967. Adèle Yon, jeune normalienne et chercheuse, interroge les membres de la famille de son père sur trois générations et en fait son sujet de thèse. Avec subtilité et ténacité, elle permet à la parole de surgir, tout particulièrement du côté des femmes : sa grand-mère à laquelle le livre est dédié, des cousines, tantes et grand-tantes qui cherchent comme elle l’origine de la folie. Et aussi celles et ceux qui ont choisi au contraire de ne jamais évoquer ce qui pourrait blesser. Avec dextérité, la jeune autrice mêle son trajet personnel à ceux de ses proches, gravitant ensemble autour du trou noir du secret d’Elisabeth.
Pourquoi une jeune fille brillante de la bourgeoise catholique a-t-elle passé la moitié de sa vie de femme internée pour schizophrénie ? Comment les médecins ont-ils pu convaincre son père et son mari que la lobotomie la guérirait ? La jeune auteure a découvert à l’hôpital de Bonneval une trentaine de dossiers de personnes lobotomisées dans les années 50 : les observations cliniques et froides des médecins y côtoient les témoignages directs des opérées (en immense majorité des femmes), dont la souffrance morale est totalement niée. « Je suis une malade et non une folle. Je veux me mettre la tête dans la rivière pour la vider de mes bêtises et la remplir de bonnes idées ». L’histoire d’Elisabeth est celle d’une cellule familiale mais plus largement la dénonciation de la brutalité de la psychiatrie des années 50 en France.
Une des nièces de Betsy devenue artiste céramiste a cette phrase définitive : « Tout le noir qui est en moi je l’ai mis dans la terre pour survivre ». Adèle Yon a quant à elle choisi les mots pour sortir son Elisabeth de l’obscurité.
« Mon vrai nom est Elisabeth » d’Adèle Yon, roman, Editions du sous-sol, mars 2025
2 commentaires
Merci Madame pour cette critique simple, claire et juste sans à priori ni jugement.
Le grand père.
Merci beaucoup monsieur pour votre retour. Je me posais la question du titre de l’article que la famille pourrait considérer sans doute comme brutal, mais j’ai retrouvé cette colère dans le magnifique livre d’Adèle Yon.