Focus sur les attaques ad hominem et ad feminam, surinterprétations, disqualifications, acharnement … le récit médiatique invisibilise les réels combats féministes.
Face à la forêt de micros des plus grands médias, dans la salle des quatre colonnes, Clémentine Autain exprime une colère froide mardi 4 octobre. La députée LFI, interviewée avant la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale appelle les journalistes à la responsabilité. Après avoir dit qu’elle avait déjà répondu 250 fois, sans se dérober, à des questions sur les affaires Bayou et Quatennens, elle dresse la liste des batailles politiques en cours : les gens se demandent comment ils vont se chauffer cet hiver, les prix flambent, la guerre en Ukraine, l’âge de la retraite à 65 ans… « et du matin au soir c’est breaking news affaire Bayou, affaire Quanennens » déplore-t-elle. Elle fait remarquer que ce n’est pas la meilleure façon de traiter le sujet des violences faites aux femmes et d’intéresser les Français.es à la politique…. Et à peine a-t-elle fini sa phrase, qu’un journaliste tente de la relancer sur le même sujet.
Les médias courent après les clashs et semblent vouloir rendre les féministes responsables de la misogynie ambiante, surtout quand cette misogynie vient de leur parti politique. Leur proie du moment est Sandrine Rousseau. A chaque fois qu’elle s’exprime c’est un tsunami de réactions hostiles, narquoises ou haineuses alimenté par ses ami.es ou ses adversaires cités par les journaux. Et ceci, qu’elle ait raison ou tort sur le fond. Quand elle parle de l’association deletère viande/virilité, beaucoup se ridiculisent en voulant la ridiculiser (lire : ILS DÉFENDENT (MAL) LEUR STEAK )
Et quand elle se fait huer lors d’une manifestation de soutien aux Iraniennes, c’est une occasion en or de réactiver l’hostilité. Sandrine Rousseau fait partie de celles qui veulent croire que le port du voile est une question de liberté. Les féministes qui soutiennent les Iraniennes réaffirment que le port du voile doit être combattu pour ce qu’il est : un symbole d’oppression des femmes. Pour ne rien arranger, Sandrine Rousseau a soutenu avec beaucoup de mauvaise foi que d’autres femmes, comme la sénatrice Laurence Rossignol, avaient été huées aussi lors de cette manifestation, ce qui est faux.
De l’affaire Bayou à l’affaire Rousseau
Cela mérite sans aucun doute des critiques, mais ce qui se joue dans les médias aujourd’hui est d’une autre nature. C’est une cabale médiatique contre la féministe qui dénonce les violences sexistes et sexuelle. Un article du journal Le Monde a particulièrement choqué. Même la journaliste du Figaro Eugénie Bastié, qui a l’habitude de taper sur les féministes, s’en offusque : « Dieu sait que je ne suis pas d’accord avec Sandrine Rousseau mais mettre cette confidence par texto dans son portrait dans Le Monde, c’est juste dégueulasse » écrit-elle sur Twitter.
L’article du « quotidien de référence » intitulé « Sandrine Rousseau, quoi qu’il en coûte » commence par parler des larmes de la députée pendant l’interview et indique plus loin que les journalistes ont reçu un message d’elle, demandant de ne pas en parler… Et ce n’est pas le seul problème de cet article qui démolit Sandrine Rousseau.
Le même journal offre une tribune à Julien Bayou pour affirmer que Sandrine Rousseau confond « féminisme et maccarthysme » (rappelons que c’est Julien Bayou qui avait rendu publique, en premier, l’information sur des accusations le concernant. Lire : JULIEN BAYOU DÉNONCE « L’INSTRUMENTALISATION DE CAUSES JUSTES ») Alors qu’il s’est toujours montré féministe et tient des discours très lucides sur la nécessaire lutte contre les violences sexuelles, Julien Bayou adopte la posture des hommes accusés : il met les médias de son côté en parlant en premier, plus fort que ses accusatrices qu’il dénigre. Sandrine Rousseau est accusée de dévoyer le féminisme selon bien des médias qui reprennent les paroles de Julien Bayou. Il apparait comme le sage injustement accusé, elle est présentée comme une folle.
Et pas seulement dans le Monde. Un article du Canard enchaîné l’appelle « l’amère supérieure » – c’est son style- mais, surtout, il reprend la thèse du maccarthisme et la juge « ivre d’elle-même ». Et c’est sans compter des dessins de presse qui la carricaturent, voire font d’elle une violeuse. La plupart des articles sont à charge contre elle et contre celles qui accusent Julien Bayou. Au bout du compte, il n’y a plus d’«affaire Bayou » mais une « affaire Rousseau » présentée comme une féministe qui veut éliminer les hommes. Alice Coffin avait subi un acharnement médiatique du même genre lorsqu’elle avait écrit qu’elle ne voulait plus lire de livres ou s’intéresser à des œuvres d’hommes (Lire : « VOTRE DISCOURS NUIT À VOTRE CAUSE » : LEÇON DE (ANTI)FÉMINISME SUR BFMTV). Les grands médias avaient affirmé qu’elle voulait éliminer les hommes… sans s’interroger sur la domination culturelle masculine. Un peu comme dans ces procès pour viol où la moindre contradiction dans le passé de la plaignante est prétexte à la faire passer pour une affabulatrice et classer la plainte sans suite.
Rendues invisibles ou présentées comme hystériques
Et pendant ce temps, les féministes qui se battent contre les violences, contre la pornocriminalité ou pour préserver le droit à l’avortement sont inaudibles (lire nos articles cités ci-dessous). Les féministes qui prennent le risque de dénoncer des hommes reçoivent des torrents de haine, les autres crient dans le désert. Dans le récit des médias d’information, les féministes sont invisibles ou hystériques.
Ces médias préfèrent écrire l’histoire contemporaine avec des féministes qu’ils vont pouvoir disqualifier, critiquer, présenter comme des furies coupables de vouloir dominer les hommes. Ils inventent des « néo-féministes » qui seraient haïssables versus les « bonnes féministes » qui sont les féministes mortes. Des féministes qui, en leur temps, ont-elles aussi essuyé des tirs nourris et perfides de ces réacs apeurés. Mais ils l’ont oublié. L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. (Lire : HOMMAGES À GISÈLE HALIMI, BREVETS DE FÉMINISME ET THÉORIE DU COMPLOT)
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