L’autrice quebecoise est la troisième femme à remporter ce Prix en 49 ans de festival.
Après Florence Cestac en 2000 et la japonnaise Rumiko Takahashi en 2019, la québécoise Julie Doucet est la troisième femme à remporter le Grand Prix d’Angoulême. Et, en 49 éditions, c’est seulement la quatrième fois qu’une femme est lauréate d’un des Prix qui consacre les meilleur.es auteurs et autrices de Bande dessinée. Claire Bretecher avait obtenu un Prix du « dixième anniversaire », en marge du Grand Prix en 1984.
Mieux : pour ce grand prix, Julie Doucet se trouvait en finale avec deux femmes, Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse, déjà finalistes en 2021.
Il semblerait que le monde de la BD rompe enfin avec la misogynie. C’est en 2016 que les protestations des autrices mises à l’écart ont commencé à être entendues. Jusque là, le FIBD – Festival International de Bande Dessinée, n’en avait cure. Début 2016, une centaine de créatrices de BD avait lancé un appel au boycott du vote du Grand Prix en raison d’une sélection de 30 auteurs 100% masculins. Ce n’était pas la première fois que des autrices protestaient contre ce sexisme. Mais, ironie de la misogynie, c’est quand un homme a répondu favorablement à cet appel au boycott que la situation a changé. Riad Sattouf, le célèbre auteur de L’Arabe du Futur, qui figurait parmi les 30 en lice pour le Grand Prix, a annoncé qu’il souhaitait « céder sa place » à une consœur. Il avait fait les gros titres des journaux… ce qui n’améliorait pas la visibilité des femmes mais secouait l’organisation du prix.
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Julie Doucet sait que son prix vient de loin. « Je dédie ce prix à toutes les autrices du passé, du présent et du futur » a-t-elle lancé en recevant le trophée.
Comme la plupart des autrices de bandes dessinée, elle écrit et dessine féministe quand nombre d’auteurs hommes imposent un tempo misogyne dans le 9ème art.
L’autrice de 56 ans, née à Montréal, est présentée comme une figure de la bande dessinée alternative et féministe. Elle a commencé avec son propre fanzine Dirty Plotte qu’elle traduit par « vagin dégueulasse » ou « sale fente », dans lequel elle partageait en noir et blanc, son quotidien, la vie de son corps, ses rêves. Elle revendique une « ligne crade ». A un moment de sa carrière, elle a fait une parenthèse, le milieu de la BD étant trop hostile aux femmes. Elle raconte dans ses BD trashs des histoires sanglantes, et se délecte de sujets comme le harcèlement, le changement de sexe, le Male gaze…
Elle se réjouit de voir que les femmes ont enfin une petite place mais invite les autrices à rester vigilantes… Tout comme Florence Cestac qui se réjouit dans Libération de voir une femme remporter le Grand Prix : « C’est bien, ça bouge, mais il y a encore du boulot. Pour une fille de ma génération, lire des BD était presque péché ».