Prendre les cercles d’hommes de pouvoir « en flagrant délit d’entre-soi » : depuis cinq ans, le « groupe d’action féministe » la Barbe leur hérisse le poil et ne compte pas en rester là.
« J’ai une excuse, je suis marié avec une femme, ce qui est encore assez fréquent, j’ai quatre filles et une mère, et quand j’ai un chien, c’est une chienne »… Bingo ! La réaction de l’inénarrable Gérard Longuet (voir vidéo ci-dessous) à l’une des premières actions de La Barbe, le 15 mai 2008, est restée dans les annales. Ce jour là, le groupe de femmes affublées de barbes postiches s’invitait au Sénat. Un colloque intitulé « La Vème République au Parlement » réunissait des intellectuels et représentants politiques : des hommes seulement, y compris pour une table ronde intitulée « Le Parlement, miroir de la société française ».
Ce mois-ci, la Barbe fête ses cinq années d’existence et hérisse toujours le poil de ces hommes qui gardent jalousement le pouvoir. Les femmes à barbe surgissent à l’improviste pour « rendre visible la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir ». Pacifiquement, elles s’installent à la tribune et tendent ainsi un miroir à l’entre-soi masculin. Les hommes concernés font le reste. Un psy, même débutant, pourrait en dire long sur la réaction de Gérard Longuet. La Barbe dénonce avec l’ironie le fait que le pouvoir ne s’accommode que du poil au menton.
Depuis 5 ans, les Barbues ont multiplié les actions dans la sphère politique, mais aussi dans les médias, l’économie ou le monde de la culture. « Que partout où les hommes se croient en terrain conquis, les barbes disent que les femmes aussi veulent en être, quitte à jouer le jeu de la masculinité, quitte à arborer les attribut du pouvoir », clame le manifeste de La Barbe.
Réception aléatoire
Présente dès la première action au Sénat, Corentine goûte toujours autant le fait de « s’imposer dans un endroit où on est non seulement pas invité, mais plutôt malvenu, et de mettre à mal ces messieurs : on a l’impression de les prendre en flagrant délit d’entre-soi. »
Mais le chemin est encore long pour venir à bout de cet entre-soi. « Malheureusement, il y a encore entièrement besoin des actions de La Barbe », observe Corentine. « Parfois, nous sommes revenues sur le même événement deux ou trois années de suite, et la situation n’avait pas forcément évolué favorablement… même quand on a l’impression que le message est passé. A Cannes, par exemple, nous avons créé le scandale du Festival 2012 en dénonçant l’absence de réalisatrice en compétition… et pourtant cette année rien ou presque n’a changé ». De fait, les milieux de la culture ou du cinéma sont ceux qui se sentent « le moins concernés » par les inégalités que dénonce La Barbe. « Quand ils nous voient débarquer, ils ne comprennent pas », note Corentine. C’est plutôt l’inverse dans la sphère économique : ainsi, dans les assemblées du CAC 40, « ils savent qui ont est, et parfois s’attendent à nous voir agir ; l’effet de surprise joue moins. »
En 5 ans, La Barbe a pris du volume. Elle compte une petite dizaine de groupes locaux, à Lyon, Lille ou Toulouse, entre autres. Et a fait des émules à l’étranger. Il y a par exemple les moustachues mexicaines, las Bigotonas, mais aussi des barbues australiennes, danoises, et peut-être bientôt à Londres. Dans les années à venir, c’est aussi le champ d’action qui reste à élargir : « nous aimerions titiller davantage les médias, les ONG et secteur caritatif. Sans oublier les syndicats, une cible que nous n’avons pas encore visée », avance Corentine.
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