La Hongrie va présider le Conseil de l’Europe pour six mois alors que de plus en plus d’États membres de l’UE virent à l’extrême droite. Le climat politique actuel est plus que jamais menaçant pour les femmes qui craignent de voir leurs droits reculer.
C’est officiel. Le 1er juillet 2024, la Hongrie a pris la présidence du Conseil de l’Europe pour les six prochains mois. C’est au sein de cet organe central de la politique européenne que les 27 États membres de l’Union Européenne ont pour mission de « négocier et adopter la législation de l’UE » et le pays nommé à la présidence du Conseil doit, quant à lui, veiller « à assurer la continuité des travaux de l’UE« .
Les droits des femmes malmenés en Hongrie
Présider le Conseil de l’Europe est aussi l’occasion pour un pays de mettre en avant « sa vision de l’Europe », comme l’a déclaré le ministre hongrois des Affaires européennes, Janos Boka. C’est justement ce qui inquiète. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, aux valeurs ultra-conservatrices, manifeste régulièrement ses positions eurosceptiques. Membre de l’Union Européenne depuis 2004, la Hongrie est classée 26ème (sur 27) sur les questions d’égalité de genre par l’Institut européen pour l’égalité de genre (EIGE) pour l’année 2023.
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Premier indice : aucune femme ne siège au sein du gouvernement hongrois. Mais les inégalités ne s’arrêtent pas là. Dans le viseur de la politique d’Orbán : les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. Plusieurs lois visent à interdire l’accès des contenus LGBTQIA+ aux mineurs. En 2020, 35 États des Nations Unis, dont la Hongrie, ont signé la Déclaration du consensus de Genève, un texte qui s’attaque ouvertement au droit à l’avortement. En résulte l’adoption d’un décret modifiant la législation hongroise sur l’IVG. Alors que le pays a rendu l’avortement légal dès les années 50, cette nouvelle loi impose, depuis 2022, aux femmes d’écouter le cœur de leur fœtus avant d’avorter. La Constitution hongroise est attachée à la protection des familles. C’est donc dans cette perspective que sont envisagés les droits des femmes dans le pays. En 2023, suite à un examen de la Hongrie par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, il a été observé que leurs « politiques gouvernementales et la communication officielle renforcent activement les stéréotypes sexistes ».
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À l’échelle européenne, la politique de Viktor Orbán entrave certains projets qui permettraient pourtant d’améliorer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Comme l’idée d’une définition communautaire du viol à l’échelle européenne, incluant la notion de consentement, qui a été refoulée par plusieurs États membre, dont la Hongrie – et la France !
L’accès de l’extrême droite au pouvoir a été banalisé
Que la Hongrie accède à la présidence du Conseil de l’Europe n’aurait donc que peu d’incidence sur les politiques menées. Toutefois, le pays peut ralentir certains processus. Dès le mois de juin 2023, le Parlement Européen exprimait ses craintes quant à la nomination hongroise en raison de « ses violations répétées des droits fondamentaux et des valeurs de l’UE » (source). Si les conséquences de cette nomination sont moindres, ne faudrait-il pas davantage s’inquiéter de voir ces politiques ultra-conservatrices se multiplier en Europe comme ailleurs ? Et, surtout, de banaliser l’idée de les voir accéder au pouvoir ?
L’Union Européenne est « l’une des régions les plus avancées au monde en matière d’égalité de genre » admet l’association féministe Equipop dans rapport Quand l’extrême droite avance, les droits des femmes reculent. Mais l’extrême droite gouverne déjà plusieurs pays en Europe, avec Viktor Orbán comme chef de file. Les idées féministes et la lutte pour les droits des femmes et des personnes LBGTQIA+ « suscitent et/ou se heurtent à l’action des camps les plus conservateurs qui ont pour projet de maintenir le statu quo patriarcal et de « remettre les femmes à leur place » alerte Equipop, association engagée dans la protection des droits et de la santé des femmes et des filles.
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Le Premier Ministre hongrois est à l’origine des « Sommets pour la démographie ». Organisées à Budapest depuis 2015, ces réunions rassemblent les dirigeants d’extrême droite et des droites ultra- conservatrices européennes. En 2023, Giorgia Meloni, à la tête du gouvernement italien, y avait tenu un discours anti-avortement, nataliste et ultra-traditionaliste sur le rôle des femmes au sein de la famille lors d’une session intitulée “La famille est la clé de la sécurité“. Ce qui n’est pas sans faire écho au « réarmement démographique » évoqué par Emmanuel Macron en janvier 2024.
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Autres sujets d’inquiétude : Donald Trump candidat une seconde fois aux élections de la présidence américaine, qui se dérouleront en novembre 2024. En France, le Rassemblement National arrive en tête des dernières élections européennes. Et le résultat incertain du second tour des élections législatives en France le 7 juillet prochain.
Dans ce climat menaçant, Marine Tondelier, cheffe des Écologistes et invitée sur le plateau de C à vous le 1er juillet, rappelle que « partout où l’extrême droite passe, les droits des femmes trépassent ». À la veille de cette élection cruciale en France, les féministes sont en alerte maximale et l’association Equipop dénonce le risque grandissant de backlash. Il y a cinquante ans, Simone de Beauvoir prévenait déjà : « Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilantes. ». Nous y sommes.
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