Parce que Léonore Moncond’huy, maire écologiste de Poitiers va interrompre son mandat pour un congé maternité, ses indemnités seront suspendues. Elle veut faire changer la loi et les codes masculins de la politique.
Léonore Moncond’huy, 33 ans, Maire Europe Ecologie-Les Verts de Poitiers, est enceinte et souhaite prendre un congé maternité de huit semaines à partir de mi-mars. Mais dans un monde d’élus qui a longtemps été réservé aux hommes, rien n’est prévu. Les « élues à plein temps » comme elle, voient leurs indemnités être purement suspendues pendant ce congé. Seules les indemnités journalières octroyées par l’Assurance maladie lui seront versées. Aucun mécanisme de compensation n’est prévu.
En outre, son remplacement est compliqué à assurer. Sa première adjointe, salariée par ailleurs, s’est vu refuser une décharge totale pas son employeur. Léonore Moncond’huy indique au journal Le Monde avoir dû, «à contrecœur procéder à ‘un bricolage’ » avec ses deux premier.es adjoint.es.
Un vide juridique dénoncé par la maire de Poitiers
Dans La Nouvelle République la maire de Poitiers déplore « un vide juridique » et note que si elle avait conservé un emploi dans le privé en parallèle de ses activités d’élue, « la perte de revenus serait intégralement compensée, comme c’est le cas pour la majorité des femmes salariées.»
Les élu.es sont de plus en plus nombreux.es à dénoncer l’absence de prise en compte de la parentalité dans l’organisation de leur travail. Un déni qui décourage les jeunes femmes de se lancer et conforte les rôles sociaux de sexe traditionnels.
En 2021 et 2023, le maire de Laval (Mayenne) Florian Bercault annonçait qu’il interrompait son activité pour prendre son congé paternité, au nom de l’égalité entre femmes et hommes.
En 2019, Justine Guyot, la maire de la commune de Decize (Nièvre), en congé maternité, déplorait déjà dans Le Journal du Centre, le vide juridique entourant le congé maternité des élues. Elle avait dû arrêter toute activité de maire car la Caisse primaire d’assurance-maladie lui avait dit que c’était la règle puisque, en tant que maire, elle cotisait pour le congé maternité. « Il faut absolument revoir ce statut si l’on veut inciter les jeunes femmes à s’investir dans la vie publique. On ne devrait pas avoir à choisir entre les deux (…). Ce que je souhaiterais, c’est pouvoir prendre un congé maternité tout en continuant d’exercer mon mandat » disait-elle. Elle ne comprenait pas qu’un « maire en arrêt maladie puisse continuer d’être maire s’il obtient un certificat médical, mais ne puisse continuer lors d’un congé maternité ».
Changer les codes
Petit à petit le statut de l’élu.e local.e évolue. Au Sénat, débutera en mars la discussion d’une loi portant sur la création d’un statut de l’élu local. En parallèle, un autre texte visant à améliorer la condition des élus a aussi été déposé à l’Assemblée nationale. Et la question de la parentalité sera abordée.
Les élues comptent bien faire évoluer ce monde politique pensé par et pour des hommes. Léonore Moncond’huy a adressé à la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, un courrier lui demandant de soutenir « le droit au congé maternité et au maintien du niveau de revenu pour l’ensemble des élues et élus exerçant un mandat à temps plein. » La maire de Poitiers se range aux côtés de « celles et ceux qui considèrent que les femmes en politique ne doivent pas forcément adopter les mêmes codes que nos prédécesseurs masculins ».
Sur Franceinfo ce mercredi 21 février, Johanna Rolland, la maire socialiste de Nantes et présidente de France urbaine, l’association des grandes villes, dénonçait : « La loi n’a pas été pensée pour l’exercice des responsabilités par les femmes ». Selon elle, l’absence de congé maternité pour les élus constitue « un frein à l’engagement politique ». Alors que les maires « sont les artisans de la République du quotidien »… « Seulement 20% des maires sont des femmes », a-t-elle rappelé.
La plus traditionnelle Association des maires de France (AMF) veut aussi se saisir du sujet pour « encourager et conforter l’engagement des jeunes parents dans la vie publique » dénonçant même « la rupture d’égalité entre élus et salariés du privé » confrontés à la maternité, à la paternité et plus largement aux aléas de la vie.
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