Parce que la nouvelle statue de la féministe britannique présente un corps nu, elle provoque un scandale permettant de rappeler combien la bataille féministe qu’elle a menée pour l’éducation des femmes a été dure.
Il est temps d’effectuer une révolution des mœurs, il est temps de redonner aux femmes leur dignité perdue et de les faire contribuer en tant que membres de l’espèce humaine, à la réforme du monde. » Mary Wollstonecraft, A Vindication of the Rights of Woman, 1792.
De la Grande Bretagne, où la statue de Mary Wollstonecraft a été dévoilée le 10 novembre, à la France en passant par les Etats-Unis, le Canada l’Australie, Taïwan, l’Allemagne et bien d’autres pays, les journaux parlent de celle qui est parfois appelée « la mère du féminisme ».
La sculpture argentée qui rend hommage à l’autrice féministe du XVIIIè siècle, se compose d’une forme abstraite surmontée d’une petite figure féminine nue. Créée par l’artiste britannique Maggi Hambling, elle a été installée dans un square du nord de Londres dans la circonscription de Newington Green, là où la féministe avait ouvert une école pour instruire les adolescentes et leur apprendre à n’être pas réduites à de bonnes épouses.
Bien sûr, les journaux parlent davantage des réactions horrifiées des féministes qui n’ont pas apprécié la nudité de la sculpture. Maggi Hambling explique son parti-pris. Dans le quotidien The Evening Standard elle affirme que Mary Wollstonecraft « est toutes les femmes et (que) les vêtements l’auraient restreinte ». Et puis « les vêtements définissent les gens » dit-elle. Certains commentateurs signalent au passage que Rodin avait réalisé une sculpture de Victor Hugo nu pour la même raison. Mais c’est le seul exemple et Victor Hugo n’était pas une femme et pas féministe.
Dans The Guardian, la chroniqueuse Rhiannon Lucy Cosslett a réagi en expliquant « Pourquoi je déteste la statue de Mary Wollstonecraft ». Elle n’apprécie pas qu’il ait fallu attendre deux siècles pour célébrer cette grande féministe (et 20 ans de recherche de fonds) pour, au final « faire écho à la façon dont le corps féminin a longtemps été objectivé et idéalisé par les artistes masculins » En comparaison écrit-elle, « Il est difficile d’imaginer qu’un écrivain ou un penseur masculin puisse être « honoré » par une sculpture d’un petit homme nu, à la vue de tous, émergeant d’une masse de ce que l’on nous dit être de la « matière organique ». »
Sur les réseaux sociaux, ce fut un festival. La journaliste Caitlin Moran écrit sur Twitter : « Cela ne me met nullement en colère, car je SAIS juste que les rues seront bientôt pleines de statues représentant les testicules brillantes de John Locke, le fier pénis de Nelson Mandela et l’adorable cul de Descartes ». Plus concise, Jillian Steinhauer, critique au New York Times, demande : « C’est quoi ce bordel ? »
Mais le scandale a du bon. Au passage, dans tous les pays qui en ont parlé, le public en sait un peu plus sur les combats féministes souvent ignorés des livres d’histoire. Même si, le plus souvent les articles retiennent surtout la polémique, en creusant un peu ils apprendront que l’égalité des sexes a toujours été un dur combat.
Née en 1759 à Londres, maîtresse d’école, romancière, essayiste, Mary Wollstonecraft publie en 1792, une œuvre majeure : A Vindication of the Rights of Woman. Un pamphlet contre la société patriarcale et pour la défense des droits des femmes qui commence par une éducation égalitaire. Pour elle, la soumission des femmes commence par le refus de leur donner accès à l’éducation et d’exercer sur elles des pressions limitant leur rôle dans la société. Elle voit les femmes comme « endoctrinées ». Sans incitations biaisées, elles pourraient se tourner vers un panel d’activités bien moins genrées expliquait-elle il y a deux siècles…
I’m seeing quite a few establishment figures extolling the Mary Wollstonecraft statue unveiled today and I have a question. pic.twitter.com/KY18oRAtOW
— Rebecca Bull (@RebeccaMKBull) November 10, 2020
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