La députée, qui a utilisé l’enveloppe de frais de mandat pour des dépenses personnelles, quitte immédiatement la politique. Tandis que bien des hommes politiques coupables d’abus similaires ou plus graves restent longtemps indéboulonnables.
L’affaire est dans toutes les gazettes. Et elle a été « feuilletonnée » ad nauseam. Selon un rapport d’un cabinet de ressources humaines dévoilé par Médiapart, la députée de l’Hérault, Coralie Dubost, présidente déléguée du groupe La République en marche (LREM) à l’Assemblée nationale, a utilisé plusieurs milliers d’euros de l’enveloppe d’avance de frais de mandat pour des dépenses personnelles de vêtements et restaurants.
Les journaux indiquent les noms des enseignes prestigieuses dans lesquelles la députée aurait fait son shopping… pour 2500 à 3000 euros certains mois ! Ils parlent abondamment d’achats de lingerie avec cet argent public pris dans les 5.373 € mensuels alloués par l’Assemblée Nationale et plaisantent sur la lingerie. L’inénarrable Atlantico a même publié une chronique intitulée : Voulez-vous voir les dessous de Coralie Dubost ?
La députée LREM aurait en outre imposé « des tâches relevant de la sphère personnelle » à des collaborateurs. Pour ajouter du piment au récit, les journaux notent aussi que la députée est l’ex-compagne d’Olivier Veran, ministre de la Santé.
Sanction immédiate pour la fraudeuse. L’enquête reprise par Médiapart avait été publiée le 29 avril et le 1er mai, Coralie Dubost annonce via un communiqué qu’elle va se mettre en retrait de la vie politique et ne se présentera pas pour un deuxième mandat.
Morale de femme, morale d’homme
Si la décision de quitter la politique après de tels comportements est bien la moindre des choses, il est frappant de voir à quel point la morale du milieu politique est à géométrie variable. Quand un homme franchit une ligne jaune, il peut finir par se retirer de la vie politique mais rarement aussi vite que Coralie Dubost qui n’a pas cherché à se défendre, à plaider la présomption d’innocence ou à contre-attaquer. Elle n’a pas davantage reçu de soutien des membres de sa formation politique.
Quelques exemples ? Bien sûr, l’affaire Fillon où le premier ministre de l’époque recevait en cadeau des costumes hors de prix et utilisait de l’argent public pour rémunérer son épouse et ses enfants bien au-delà du travail fourni. L’homme a persisté à se présenter à la présidence de la république… Gérald Darmanin, qui a lui-même reconnu avoir obtenu des faveurs sexuelles en échange d’une promesse d’intervention dans un dossier, est toujours ministre de l’Intérieur. (lire : AFFAIRE DARMANIN : POURQUOI LA « PRÉSOMPTION D’INNOCENCE » EST HORS-SUJET). En 2019, il avait fallu plusieurs révélations pour que Jean-Paul Delevoye, alors Haut-commissaire aux retraites, finisse par tirer sa révérence, en faisant porter le chapeau à sa femme (lire : LA FAUTE À MA FEMME, DELEVOYE ET LES AUTRES) Ou encore Stéphane Trompille, condamné par le conseil de Prud’hommes pour harcèlement sexuel et licenciement abusif à l’encontre d’une ancienne collaboratrice et qui est toujours député LREM… Et la liste pourrait être très très longue.
Pourquoi de tels écarts dans les réactions des responsables politiques hommes ou femmes aux dénonciations et dans le traitement médiatique de telles affaires ? Coralie Dubost est-elle plus moquée qu’un homme parce que ses dépenses portent sur des vêtements et de la lingerie, qu’elle est illico classée « frivole » et aura du mal à effacer cette image ? Parce qu’elle ne bénéficie pas d’un réseau politique solide et prompt à faire bloc avec elle ? Parce que l’appétit de pouvoir chez les femmes est moindre que chez les hommes ? Sans doute tout cela à la fois. Ce qui aurait tendance à prouver que les femmes, pour se faire une place en politique, doivent être absolument irréprochables et animées exclusivement d’altruisme tandis que les hommes peuvent se permettre d’agir par ambition personnelle. C’est accepté socialement. Et il faudra davantage de temps et d’énergie pour les déboulonner que pour déboulonner une femme qui franchit la ligne jaune. Peut-être une nouvelle bonne raison pour qu’il y ait davantage de femmes en politique ?