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Le 39ème féminicide fait la une de quelques journaux et se trouve au cœur d’invectives politiques. Les féministes demandent de nouveau des moyens pour lutter contre ce fléau.
Le féminicide de Mérignac (Gironde) fait la une des journaux, des ministres demandent une commission d’enquête, quelques opposants politiques tombent sur le gouvernement… Les meurtres de femmes par leurs conjoints ou ex, longtemps méprisés par les responsables politiques et les médias deviennent enfin un sujet politique.
Ce féminicide est ainsi décrit par le parquet de Bordeaux et la police : mardi, Mounir B, 44 ans, déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, a poursuivi Chahinez, 31 ans, son ex-femme, mère de trois enfants. Il a tiré plusieurs coups de feu dans ses jambes jusqu’à ce qu’elle s’effondre, puis l’a aspergée d’un liquide inflammable alors qu’elle était encore en vie et l’a immolée par le feu.
C’est le 39ème féminicide recensé par le collectif Féminicides par compagnons ou ex. Et cette fois-ci médias et responsables politiques emploient ce terme intégré dans leur vocabulaire il y a cinq ans après moult résistances (lire: FÉMINICIDE, DANS LE TEXTE)
Les féministes enfin entendues
La mobilisation des associations féministes a fini par payer. Depuis qu’elles peuvent massivement interpeler l’opinion sur les réseaux sociaux, des sujets qui étaient auparavant relégués à la rubrique faits divers peuvent se hisser à la Une et obliger les responsables politiques à bouger. Cette mobilisation s’est notamment cristallisée autour du collectif qui a recencé et rendu public le décompte macabre des féminicides à partir des rubriques « faits divers ». Elles ont massivement interpellé, en ligne, des responsables politiques et des médias. Ces dénonciations ont conduit au Grenelle des violences conjugales qui a permis de faire connaitre l’ampleur du fléau et d’impulser de nouvelles règles de protection.
Cette fois-ci, les associations féministes qui luttent contre les violences faites aux femmes ont été invitées à s’exprimer dans les médias comme Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, qui a déploré sur BFMTV, une action trop faible de la part du gouvernement contre les violences conjugales. Et a taclé au passage le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qu’on « n’entend pas beaucoup sur le sujet ».
Ces associations n’ont pas été les seules à appeler le gouvernement à agir. Saisissant ce sujet désormais politique des opposants, d’ordinaire discrets sur les violences faites aux femmes, ont fait de la surenchère. À droite, le président des sénateurs LR Bruno Retailleau a déclaré : « Allons nous accepter longtemps de vivre dans un pays où en 24h une femme peut être assassinée par le feu et un policier tué par balle. La priorité absolue doit être d’opérer une révolution pénale pour rétablir l’autorité de l’État » (Un autre drame a eu lieu le même jour : un policier a été tué en intervention à Avignon.) Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a twitté « Le féminicide barbare de Mérignac, le 39ème ! Incapacité à protéger et à prévenir alors que l’alerte était donnée ! Ça suffit l’indifférence et le laisser-aller ».
Mission d’inspection
Et le gouvernement est intervenu. Ce n’est pas Gérald Darmanin mais Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, auparavant en charge des Droits des femmes, qui s’est rendue en Gironde, jeudi 6 mai pour annoncer que les ministères de la Justice et de l’Intérieur ont déclenché une mission d’inspection. Objectif : « vérifier les modalités de mise en œuvre de la mesure de sursis probatoire dont le mis en cause a fait l’objet », « examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie » et « analyser les suites réservées à la plainte du 16 mars 2021 déposée par la victime », ont indiqué les ministères dans un communiqué conjoint. La mission devra rendre ses premières conclusions le 11 mai.
Les premiers éléments confirment les dysfonctionnements dénoncés par les associations. Le meurtrier avait été condamné le 25 juin 2020 par le tribunal correctionnel de Bordeaux dans le cadre d’une comparution immédiate pour « violences volontaires par conjoint » sur sa compagne. Il avait écopé d’une peine de 18 mois de prison, dont neuf mois avec sursis, assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans, avec mandat de dépôt décidé à l’audience, selon le parquet. Mais il ne portait pas de bracelet anti-rapprochement. Le dispositif n’était pas encore effectif en juin 2020 et la victime n’était pas équipée de téléphone grave danger. Personne ne sait pourquoi il était encore en possession d’une arme alors que depuis le Grenelle, les policiers sont incités à confisquer ces armes aux hommes violents.
La mobilisation des féministes n’a pas empêché France Info de (mal)traiter une nouvelle information sur des violences misogynes avec ce titre : « un homme frappe sa femme parce que sa bière n’est pas assez fraîche, il est placé en garde à vue ». Mais après réactions des féministes a fait une rectification avec excuses et le titre est devenu : « un homme placé en garde à vue après avoir frappé sa femme et sa fille »
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