En Espagne, tous les pères doivent pouvoir prendre un congé dit d’allaitement. C’est ce que dit en substance un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, saisie parce qu’un père s’était vu refuser ce droit par son employeur.
Institué en 1900, le congé d’allaitement espagnol visait originellement à ce que les mères travailleuses salariées puissent conserver leur emploi tout en prodiguant au nouveau-né les soins et l’attention nécessaires. Mais ce mécanisme de protection de l’emploi féminin doit être amendé pour respecter pleinement le principe d’égalité.
De l’allaitement au temps d’attention
A son article 37-4, le Statut des travailleurs espagnol prévoit que « les travailleuses ont droit à une heure d’absence du travail […] au titre de l’allaitement d’un enfant de moins de neuf mois ». Elles peuvent « décider de remplacer ce droit par une réduction de [leur] journée de travail d’une demi-heure ou cumuler ce droit sous forme de journées complètes ». A noter : « ce congé peut être indifféremment pris par la mère ou par le père dans le cas où les deux travaillent ».
En effet, détaché de l’allaitement naturel, il a été progressivement considéré « comme un simple temps d’attention à l’enfant », lequel peut être assuré « aussi bien par le père que par la mère ». Ainsi, « accordé aux travailleurs en leur qualité de parents de l’enfant », le congé d’allaitement est devenu une sorte de congé parental.
Fonctions parentales à partager
Mais un père ne peut profiter de ce droit que si la mère et lui sont tous deux travailleurs salariés. C’est pourquoi Monsieur Roca Álvarez, dont la femme est travailleuse indépendante, se l’est vu refuser par son employeur, au motif que « l’activité salariée de la mère serait indispensable pour [en] bénéficier ». La juridiction européenne a été saisie, Roca Álvarez dénonçant un traitement inégalitaire. Il estime que sa « qualité de parent » lui est contestée.
La Cour de Justice européenne vient de lui donner raison, jugeant le 30 septembre que « les situations d’un travailleur masculin et d’un travailleur féminin, respectivement père et mère d’enfants en bas âge, sont comparables » : il est tout autant nécessaire pour le père que pour la mère de pouvoir réduire son temps de travail quotidien afin de se consacrer à son enfant.
La Cour ajoute qu’il faut aussi, pour respecter le principe d’égalité, que toute femme travailleuse indépendante ne soit pas « contrainte de limiter son activité professionnelle et de supporter seule la charge résultant de la naissance de son enfant, sans pouvoir recevoir une aide du père de l’enfant ». C’est pourquoi le Statut des travailleurs est jugé comme étant « plutôt de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles entre hommes et femmes » puisque la mesure maintient les pères dans une fonction parentale subsidiaire.
Principe d’égalité et interdiction de discrimination
Ainsi, la Cour a jugé que la loi espagnole était contraire au principe d’égalité. Plus particulièrement, elle porte atteinte aux articles 2 et 5 de la directive 76/207/CEE (Directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes) qui disposent que ce principe « implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe ».
L’employeur de Monsieur Roca Álvarez sera donc condamné, l’Espagne devra modifier sa législation et tout pays membre de l’Union européenne devra, à l’avenir, suivre cette jurisprudence prometteuse en matière de répartition des tâches parentales.
Photo : http://www.villiard.com/Page-des-bebes-2.html