Le Parisien raconte un accouchement rocambolesque faisant fi de la parturiente. Moquerie sur les réseaux sociaux. Le titre est changé.

La liberté d’expression permise aux femmes sur les réseaux sociaux viendra-t-elle à bout du sexisme dans les médias ? L’épisode qui vient d’être écrit ouvre à nouveau des perspectives intéressantes.
Le 22 mars dernier, le quotidien Le Parisien publie un article intitulé : « Le « choc » de ce père qui a dû accoucher tout seul sa femme à un rond-point » et le récit, tout en bravoure raconte comment ce père, s’est arrêté « en urgence sur le bas-côté d’un rond-point d’accès à une voie rapide pour faire accoucher sa femme » aux environs de Nîmes (Gard). Il a même « dû rompre la poche tout seul et dégager le cordon ombilical qui serrait le cou du bébé, pour qu’il puisse respirer ». Le récit évoque aussi ses relations avec les secours et le milieu médical qui semblent le laisser se débrouiller car il se montre « calme et dans le sang-froid ». Et la parturiente ? Sa compagne ? La mère du bébé ? Celle qui a dû doublement souffrir, s’angoisser et garder son sang-froid ? L’article l’évoque à peine, le titre l’ignore, elle n’est pas tout-à-fait invisible, mais son héroïsme à elle l’est complètement.
C’est comme ça que se construit une culture de domination masculine. Ceux qui ont le privilège de prendre la parole, de tenir la plume dans les médias, dessinent les contours de ce qui mérite considération et de ce qui n’a aucun intérêt. Avant internet, les dirigeants de journaux imposaient cette vision du monde sans être inquiétés. Mais désormais, des femmes éclairées peuvent s’exprimer, au minimum sur les réseaux sociaux. Et quand Marie-Hélène Lahaye, Autrice du blog « Marie accouche là » et du livre « Accouchement : les femmes méritent mieux » (Michalon,) voit le titre du Parisien, elle poste un tweet humoristique et indigné. Et finit par interpeller la journaliste auteure de l’article qui reconnaît petit à petit que le titre est maladroit
Une longue discussion est aussi lancée par Caroline de Haas qui préfère imaginer que « Sa femme avait piscine. »
Et, l’article du Parisien est mis à jour le 25 mars avec un nouveau titre « Comment une femme a dû accoucher seule à un rond-point sans assistance médicale ». Pour le coup, le père, qui n’a pas démérité, est rendu invisible cette fois-ci. Mais l’article est inchangé, c’est toujours lui le héros. Et la légende photo dit : « Un père de famille a dû stationner sa voiture en urgence à un rond-point pour aider sa femme à accoucher ».
La misogynie se niche dans tous les recoins des médias. La bataille culturelle n’est pas gagnée.
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