Conte fantastique, Petite maman raconte l’amitié simple entre une fillette de 8 ans et sa propre mère devenue enfant. Pour les grand.es et les petit.es.
Au tout début, une petite fille aide une vieille-dame à trouver un mot fléché dans une chambre d’Ehpad. Un joli moment entre Nelly, 8 ans, et sa grand-mère. Mais quand Nelly lui dit au-revoir, c’est pour passer dans la chambre d’à côté, dire à nouveau au-revoir à une autre vieille dame. Et ainsi de suite jusqu’à rejoindre une chambre vide, où sa maman range les derniers vêtements de la grand-mère de Nelly, décédée. En une scène, tout est présent : la simplicité de l’enfance et une question quasi philosophique : « Comment dire au-revoir à ceux qui vont mourir » ? Ensuite, il y a une maison à vider, au cœur d’une forêt un peu magique, une mère trop triste qui part cacher son chagrin en laissant Nelly avec son père, la découverte d’une cabane dans les bois que construit une autre petite fille. Cette autre fillette, c’est la mère de Nelly à huit ans. Petite maman suit les deux amies dans leurs jeux intemporels : faire des crêpes ensemble, écrire et jouer des pièces de théâtre, construire leur cabane, chanter, courir. Sorte de Retour vers le futur sans spectaculaire, le récit évoque la transmission sur trois générations de femmes. Endeuillé sans sanglots, magique sans effets spéciaux, ce film doux invente une nouvelle forme de narration. En revanche, le dépouillement de la mise en scène, presque austère, éloigne parfois de l’émotion, au contraire du film précédent de la cinéaste, Portrait de la jeune fille en feu. Mais lorsque le récit de ce mini voyage dans le temps se clôt, on en retient une douce familiarité avec l’enfant, parfois oublié, qui vit en nous.
Petite maman de Céline Sciamma, avec Joséphine et Gabrielle Sanz, Nina Meurisse (la mère), Stéphane Varupenne (le père), Margot Abascal (la grand-mère). Musique de Para One. Produit par Lilies Films, distribué par Pyramide, 1h12, sortie le 2 juin 2021
Ce qu’en dit Céline Sciamma Réalisatrice et femme engagée, militante au sein de la société des réalisateurs de films (SRF) et du collectif 50/50, Céline Sciamma est une proche d’Adèle Haenel, qu’elle a dirigée dans Naissance des pieuvres et Portrait de la jeune fille en feu, dont nous parlions ici il y a deux ans. On le sait moins, elle a débuté comme scénariste de dessins animés, a scénarisé Ma vie de courgette, long métrage d’animation de Claude Barras (2016) et réalisé Tom Boy (2011) qui a fait un mini-scandale quand il a été intégré au programme Ecoles et ciném (lire ici pour en savoir plus). « Le spectateur enfant était au cœur de mes décisions à toutes les étapes de fabrication de Petite Maman. Quand j’étais partagée sur un choix de mise en scène, je me demandais : « que ferait Miyazaki ». On a toujours tranché en faveur de l’expérience du spectateur enfant, jusque dans la salle de montage. » Dans Petite maman on retrouve une ambiance qui rappelle La maison des bois (1971), série de Maurice Pialat, où la forêt est un abri contre la cruauté du monde. Ici la forêt de Cergy-Pontoise, ville d’enfance de la cinéaste, abrite adultes et enfants qui grandissent ensemble, le temps d’un court voyage dans le temps. « Profondément, Petite maman est rêvé comme une expérience à égalité entre les adultes et les enfants. Il est pensé pour rassembler en offrant les mêmes opportunités d’implication et de sensations pour les spectateurs petits et grands. Un terrain de jeu commun en quelque sorte, comme pour les deux héroïnes. Le film tente d’inventer une nouvelle circulation entre les générations et les corps. C’est pour ça qu’il est pensé pour la salle de cinéma. C’est une expérience collective, physique. J’espère qu’on se regardera différemment en sortant de la salle. » |