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Parce que son compagnon est candidat aux Européennes, la journaliste quitte les antennes momentanément. Ce qui alimente le soupçon de dépendance intellectuelle de la femme à l’homme pour essayer d’éteindre le soupçon de journalisme corrompu.
D’abord un communiqué de France Inter annonce que, « en plein accord » avec Lea Salamé, la radio veut éviter « tout soupçon de conflit d’intérêt qui pourrait affecter l’image de France Inter et troubler ses auditeurs ». Le compagnon de la journaliste, Raphaël Glucksmann, est candidat aux Européennes pour le mouvement Place Publique qu’il a co-fondé avec Claire Nouvian.
Et Laurence Bloch, directrice de France Inter assure que Léa Salamé « crée une jurisprudence qui l’honore. » Cette « jurisprudence » existait pourtant déjà : Audrey Pulvar écartée de l’Antenne en 2007 alors qu’elle était en couple avec Arnaud Montebourg. Anne Sinclair avait renoncé à l’émission « 7/7 » sur TF1 En 1997 quand Dominique Strauss-Kahn avait été nommé ministre. En 2006, Marie Drucker alors en couple avec François Baroin avait cessé de présenter le « Soir 3 », Béatrice Schönberg, compagne de Jean-Louis Borloo, avait arrêté de présenter les journaux télévisés sur France 2 en 2007. Cette « jurisprudence » va toujours dans le sens de l’image de la femme sacrificielle.
Une image encensée dans les médias. Le compagnon de Lea Salamé, invité samedi à C l’hebdo sur France5, va sur-jouer la réaction qui lui sera demandée sur le plateau. Avec une voix toute en douceur et en émotion – les violons n’étaient pas loin de jouer- il se dit gêné de parler de sa vie privée mais se lance à fond. « Bouleversé » par cet « acte d’amour incroyable », il tresse des couronnes de laurier à sa compagne : « C’est quelqu’un qui a toujours placé son travail au-dessus de tout dans sa vie ». Oubliée son hostilité à l’idée qu’une femme mette sa carrière en retrait au bénéfice de son homme ! Raphaël Glucksmann, affirmait pourtant en novembre dernier qu’il ne serait pas candidat et l’Obs commentait : « Un choix qui doit rassurer Léa Salamé »… Raté !
Mais il y a eu pire dans cette émission. Pendant que Raphaël Glucksmann s’exprimait très longuement sur sa vie privée et sur d’autres sujets, Claire Nouvian, qui va conduire la liste du mouvement aux Européennes avec lui, n’a pas pu s’exprimer. Un homme a été mis en visibilité pendant que deux femmes étaient priées de se mettre en retrait : une journaliste connue et une grande militante – Claire Nouvian, fondatrice de l’association Bloom, a notamment reçu le prix Goldman pour l’environnement, considéré comme le Nobel de l’écologie.
Sacrificielles ou effacées, c’est ainsi que les médias aiment les femmes. Ce lundi 18 mars, en annonçant sur France Inter qu’elle allait mettre sa carrière entre parenthèses, Léa Salamé a préféré battre en retraite plutôt que d’exposer la radio et la chaîne de télévision sur lesquelles elle officie, aux soupçons.
Elle semble approuver toutes les critiques qui ont été faites à cette décision. Sur Twitter Audrey Pulvar s’indigne de voir qu’en 2019, les femmes sont toujours considérées comme de « pauvres petites choses si influençables, incapables de discernement ? », Isabelle Alonso note que « Comme d’habitude, dans un couple, c’est elle qui s’efface. » pour n’en citer que quelques unes.
Léa Salamé a entendu ces exaspérations : « on devrait aussi savoir en 2019 qu’une femme n’a pas le cerveau de son mari, et qu’elle n’a pas à attendre à la maison que son mari fasse carrière. » dit-elle On dira aussi que ça arrive toujours aux femmes, alors certes il y a l’exemple de mon collègue Franck Ballanger, qui s’est aussi retiré et que je salue (Franck Ballanger mari de Roxana Maracineanu, la ministre des Sports), mais dans le journalisme comme ailleurs, pour un homme, combien de femmes ? »
Malgré l’indépendance d’esprit qu’elle revendique, elle explique : « Mais alors pourquoi cette décision ? D’abord et avant tout parce que ma profession de journaliste n’a jamais été aussi attaquée, critiquée, vilipendée. Nous vivons à l’ère du soupçon, largement relayé par les réseaux sociaux et je ne veux pas prendre le risque d’être instrumentalisée pour l’abîmer davantage. Aussi parce que les périodes de campagne sont particulièrement sensibles et inflammables, je ne veux pas qu’on me reproche une quelconque collusion ou impartialité. »
Entre le soupçon de dépendance intellectuelle de la femme à l’homme et le soupçon de pourrissement du journalisme, sa décision de quitter l’antenne donne du crédit à la première option.