
Harpie, via Wikimedia Commons
Pour être une « bonne cliente » et s’exprimer dans les médias, il faudrait taper sur les féministes ou se transformer en harpie.
C’était couru d’avance. Après le mouvement contre le harcèlement et les violences sexuelles, un groupe de femmes est venu taper sur les féministes, les accusant de verser dans le puritanisme, l’extrémisme et de vouloir tuer la séduction. Les critiques ne s’appuient pas sur des faits précis mais plus souvent sur des fables comme celle de l’ascenseur.
Et c’est le « quotidien de référence » Le Monde qui a publié cette tribune, donnant ainsi la parole à des femmes qui n’ont pas d’expertise particulière en matière d’égalité femmes/hommes ou de lutte contre les délits et crimes sexuels. Peu d’information, voire de la désinformation, mais beaucoup de buzz
Les Nouvelles NEWS ont appris qu’au même moment des parlementaires et la Secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, avaient proposé une autre tribune, mais Le Monde l’a jugée trop « convenue ». Une « bonne cliente » tape sur les féministes, elle n’écrit pas des textes à l’encre de l’expertise.
Depuis, Le Monde s’est rattrapé en donnant la parole à des historiennes reconnues, Michelle Perrot et Christine Bard. Il n’empêche. Un « bon client », une « bonne cliente » est celui ou celle qui entre dans la grille de lecture du journal et permet de faire de l’audience.
Je ne suis pas une bonne cliente. Il m’est arrivé d’être invitée sur des radios ou télévisions à l’occasion d’études que nous faisions à l’Association des femmes journalistes, lors de la sortie d’un livre ou en tant que fondatrice des Nouvelles NEWS. Et puisque j’étais dans le rôle de la féministe, les journalistes attendaient que je m’énerve, que je sorte un sécateur, que je devienne hystérique. Un jeune journaliste a même fini par me dire : « Mais il faut vous énerver ! » Au final, dans son reportage, je m’exprimais trois minutes sur des éléments factuels. Puis, immédiatement derrière, Elisabeth Lévy assassinait mes propos en disant que mes chiffres ne rimaient à rien et qu’il fallait arrêter de parler de sexisme des médias, puisque des femmes pouvaient très bien réussir, comme elle. Hors sujet, mais elle eut le dernier mot. Pour être « bonnes clientes » il faut soit taper sur les féministes, soit se transformer en furie, ou les deux. Voilà comment les médias imposent le tempo.
Pas moyen d’aborder paisiblement la question, que soulève la tribune du Monde, que les féministes ont aussi soulevé, et que la loi a déjà traitée : celle de la frontière entre drague et harcèlement. Trop convenu ?