Distribuer des flyers pour dire aux femmes de se défendre ? Les associations préfèreraient que la « grande opération » du ministre de l’Intérieur déploie des moyens pour réprimer les comportements des agresseurs.
« Gérald Darmanin lance une grande opération sur la sécurité des femmes dans l’espace public » annonçait le ministère de l’Intérieur sur son site le 15 mai dernier. Et depuis mardi 30 mai, les policiers et gendarmes sont chargés de distribuer des flyers dans les rues.
L’annonce, centrée autour de la personnalité d’un ministre très contesté par les féministes, indique que : « 5 millions de flyers seront distribués par les policiers et les gendarmes, dans le cadre de la démarche ‘d’aller vers nos concitoyens’, conformément aux instructions de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. »
Sur les flyers, des conseils pour « informer et rappeler à chacune et chacun les gestes à avoir lorsqu’on est témoin ou victime d’une agression » comme « faites du bruit » et « déposez plainte », si vous êtes une victime. Ou bien « intervenez » s’il n’y a pas de danger et « alertez les forces de l’ordre », si vous êtes témoin. Et un QR code qui redirige vers le site masecurite.fr.
L’annonce a déclenché une vague de colère et de critiques amères. L’initiative peut même être contre-productive en faisant porter trop de responsabilité aux victimes de violences sexuelles. Les associations réclament des moyens pour réprimer les comportements violents des agresseurs, pas pour mettre en cause la supposée passivité des victimes.
En janvier dernier, le Haut conseil à l’égalité faisait état d’une situation « alarmante » sur le sexisme en France… Et rappelait que 80 % des femmes ont peur de rentrer chez elles seules la nuit.
Lire : LE HCE ALERTE SUR LE SEXISME ? LE SYSTÈME D’IGNORANCE S’EMBALLE
Gérald Darmanin ne trouve pas beaucoup de soutien. Même le Figaro, après un article reprenant le communiqué du ministère, a publié un billet titré : « Des flyers pour lutter contre le sexisme ou l’aveu d’impuissance de Gérald Darmanin ».
L’ironie et la colère s’expriment sur les réseaux sociaux. « 5 millions de flyers ! Les agresseurs n’ont qu’à bien se tenir » a raillé la sénatrice Mélanie Vogel.
Osez le féminisme ! dénonce « une mesure gadget ». « L’ironie dans cette mesure, c’est que ces flyers vont être distribués par des agents de police qui sont rarement formés aux violences faites aux femmes » déplore Violaine de Filippis, avocate et porte-parole de l’association sur BFMTV. « Il aurait mieux valu des mesures avec plus d’impact notamment la formation des officiers de police parce que c’est le parcours du combattant de déposer plainte ».
Sandrine Bouchait, présidente de l’Union nationale des familles de féminicides demande dans Le Parisien si cette campagne de sensibilisation n’est « pas une blague ». « Il y a eu trois féminicides la semaine dernière. On nous dit que pour protéger les femmes, on va distribuer des flyers. J’imagine qu’elles vont en faire une grosse boule, pour les jeter sur les agresseurs. Sur un malentendu, ça pourrait les repousser ! » sur RMC-BFM elle insiste aussi : « Ce flyer reporte la responsabilité sur la victime. On va lui dire que si elle avait fait ceci ou cela, ce ne serait pas arrivé ».
#NousToutes a suggéré : « Puisque vous adoptez les méthodes des associations sans budget, on échange et on prend votre place au ministère de l’Intérieur ? » Le collectif dénonce : « c’est une honte ! » et réclame des « mesures d’envergure pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles ».
Sur leur chaîne Youtube, Camille & Justine ont tout dit :