
Audrey Pulvar , Michèle Rubirola (Wikimedia commons)
A peine élue, Audrey Pulvar subit un procès en incompétence. La nouvelle maire de Marseille est soupçonnée de n’être qu’une marionnette. Impossible parité politique.
Oui, la moitié des maires des dix plus grandes villes de France sont des femmes et il faut s’en réjouir. Mais la parité est encore très loin en politique. D’abord pour des raisons numériques : les femmes ne représentent qu’un peu plus de 20% de l’ensemble des édiles, contre 16 % dans la mandature précédente. Ensuite parce qu’elles sont toujours considérées comme illégitimes par nombre d’« avis autorisés » – c’est-à-dire ceux qui s’autorisent à donner leur avis disait Coluche.
Audrey Pulvar, ex-journaliste et ex Présidente de la Fondation Nicolas Hulot, élue à Paris a été nommée par la maire, Anne Hidalgo, adjointe en charge de «l’alimentation durable, de l’agriculture et des circuits courts». En l’apprenant, certains internautes et adversaires politiques l’ont attaquée bille en tête ressortant une très ancienne photo d’elle déplaçant du foin à la campagne ironisant en toute ignorance sur l’absence d’agriculture à Paris, lui reprochant d’avoir un « emploi fictif » ou faisant des commentaires en dessous de la ceinture. Même Dominique Bussereau, ancien ministre de l’Agriculture a « liké » un tweet insultant pour la nouvelle élue. Laquelle l’a poliment interpellé et il a fini par s’excuser. Mais que de temps perdu pour celle qui a fini par publier un long tweet expliquant l’utilité de sa fonction et l’ensemble de ses compétences, connaissances ou expériences dans le domaine de l’alimentation durable.
Pour Michèle Rubirola, le procès en illégitimité a pris une autre forme. Au terme d’un processus électoral rocambolesque, elle a fini par être élue Maire de Marseille. L’événement est de taille : la ville passe à gauche après 25 ans de règne du très droitier Jean-Claude Gaudin. L’écologiste Michèle Rubirola a réussi à fédérer assez de forces de gauche pour l’emporter, beaucoup des membres de son équipe ayant, comme elle, renoncé à leurs partis politiques respectifs pour créer le victorieux Printemps marseillais. Médecin, 63 ans, ayant pratiqué le basket à très haut niveau, elle n’a rien d’une femme fragile. Pourtant certains journaux la font passer pour une oie blanche de la politique qui ne serait rien sans son « mentor » de 20 ans son cadet, le socialiste Benoît Payan. « Mentor » disent les journaux. Pour un homme ils diraient « bras droit ».
Sur France Inter ce dimanche 5 juillet, la nouvelle édile est à peine élue depuis la veille, sa vie est très mouvementée et c’est Benoît Payan présenté comme « porte-parole » qui est invité. Normal… Mais le début du « grand entretien » tourne au procès en incompétence de la maire. « Nous avons invité Michèle Rubirola, elle ne souhaite pas s’exprimer. C’est pourtant bien elle, la voix de Marseille ? » attaque la journaliste Amélie Perrier. Réponse interloquée de Benoît Payan : « C’est la question que vous me posez ? » Et la journaliste en rajoute : « Oui, on est étonnés qu’elle ne veuille pas s’exprimer. » Le porte-parole de la maire de Marseille se contient : « Faut pas essayer de faire une polémique avec ça, ça n’a pas de sens ». Et la journaliste en remet une couche : « Vous, Benoit Payan, on dit que vous êtes son mentor, malgré vos vingt ans d’écart. » Payan dit haut et fort qu’il trouve les «questions invraisemblables ».
Dans le Monde, un portrait de Michèle Rubirola évoque son entourage. Normal. Il est question de Benoît Payan et de la communicante Olivia Fortin, quatrième adjointe. Ils sont présentés comme des pilliers. Mais en creux, le journal fait apparaître Michèle Rubirola comme hésitante. « Avant chaque réponse, la maire se tourne vers eux, les interrogeant du regard, quand elle ne laisse pas ces deux piliers du Printemps répondre à sa place» écrit le quotidien de référence.
Mettre les femmes en position de devoir se justifier, les dépeindre comme de petites choses fragiles, les attendre au tournant en permanence… voilà de quoi décourager toutes celles qui voudraient prendre des responsabilités politiques et voient, chez ces femmes modèles, qu’il n’y a que des coups à prendre. Pas étonnant que la parité avance à tout petits pas…