La psychiatre Muriel Salmona apporte sa pierre à l’édification de la future loi contre les violences sexuelles, en insistant en particulier sur la prise en charge des victimes, aujourd’hui trop lacunaire.
Le débat s’annonce riche autour du projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, annoncé en début de semaine par le gouvernement, et qui sera présenté en 2018. La question, après que l’affaire Weinstein a ouvert les vannes, occupe le débat public comme jamais. Et la consultation ouverte sur le texte permet de multiplier les propositions.
La secrétaire d’État chargée des droits des femmes, Marlène Schiappa, s’est vue remettre vendredi 20 octobre un rapport de Muriel Salmona, psychiatre-psychotraumatologue et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie.
Éduquer et former
Ce « manifeste contre l’impunité des crimes sexuels » propose une série de mesures pour faire face « à l’extrême gravité et de l’urgence du problème de société et de santé publique que représentent ces crimes sexuels impunis ».
Certaines de ces mesures, le gouvernement a déjà prévu de les intégrer dans le projet de loi – présomption irréfragable d’absence de consentement pour les mineurs de 15 ans et allongement des délais de prescription des violences sexuelles faites aux mineur.e.s (Muriel Salmona souhaite pour sa part l’imprescriptibilité). Mais d’autres propositions vont plus loin.
Elles concernent avant tout la nécessité de « lutter contre le déni, la culture et la loi du silence en informant sans relâche ». D’abord en amont « en éduquant les enfants dès le plus jeune âge (…) à la non-violence, au respect du non-consentement, à être solidaire des victimes et à savoir comment les protéger et les soutenir ». Ensuite en renforçant considérablement la formation des professionnel·le·s amené·e·s à côtoyer les victimes, pour un « dépistage universel des violences » : professionnels de l’éducation, du social, de la santé, des forces de l’ordre et de la justice… Même si plus de 300 000 personnes ont été formé·e·s depuis 2013, c’est encore insuffisant.
Pour une meilleure prise en charge, le rapport réclame notamment la formation obligatoire en psychotraumatologie et victimologie pour les étudiants en médecine. La psychiatre préconise également la création de centres de crises accessibles 24h/24 dans les urgences des hôpitaux, ainsi que la création de juridictions spécialisées avec des magistrats spécifiquement formés particulièrement aux psychotraumatismes.
« Assurer une juste condamnation judiciaire et sociétale »
Une enquête menée en 2015 par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie. mettait en lumière le fait que 80% des victimes de violences sexuelles subissent un stress post-traumatique (ESPT). Et elles mettent en moyenne plus de 10 ans à trouver un professionnel capable de comprendre l’origine de leurs symptômes. Elles sont aussi 70% à ne pas s’être senties reconnues comme victimes par la police ou la justice.
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Parmi ses propositions adressées à Marlène Schiappa, Muriel Salmona appelle également à mieux définir dans la loi les notions de viol – c’est également une proposition que faisait le Haut Conseil à l’Egalité quelques jours plus tôt – et de consentement.
Comme le HCE aussi, Muriel Salmona insiste par ailleurs sur la nécessité dune prise en charge à 100% par l’État des soins dispensés aux victimes de violences sexuelles, y compris l’accompagnement psycho-traumatique.
La future « grande loi » devra « assurer une juste condamnation judiciaire et sociétale des violences sexuelles », a souligné Marlène Schiappa en recevant ce manifeste de Muriel Salmona. « Pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles » : ce sont précisément ces termes qui constituaient le titre de l’avis remis un an plus tôt par le HCE. Un signe de plus que ces propositions ne resteront pas lettre morte ?
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