
Photo : Frédéric Beigbeder sur France Inter le jour de la sortie du magazine
Hourra, le magazine Lui est ressuscité, chantent les médias. En occultant un mouvement plus général de retour en arrière mâtiné de second degré.
Après les atermoiements médiatiques sur « la fin des hommes », c’est au tour du magazine Lui de dire stop à la très fantasmée « domination féminine ». Et avec Lui, l’ensemble des « grands » médias saluent un titre créé en 1963 et disparu des kiosques dans les années 90.
Relancé un peu sur un coup de tête et avec de gros moyens par Jean-Yves Le Fur, richissime businessman, avec pour rédacteur en chef Frédéric Beigbeder, médiatique écrivain et chroniqueur, Lui s’est allègrement passé des études de marché auxquels les grands groupes de presse se livrent habituellement.
La stratégie de bulldozer tient lieu de politique marketing. 350 000 exemplaires mis sur le marché pour un premier numéro, d’interminables tunnels de publicité avant d’arriver aux premiers rédactionnels, et un soutien sans faille des confrères et consœurs qui citent le nouveau venu avec gourmandise, du « 20 heures » de France 2 à la moindre chronique sur France Inter, en passant par le journal Le Monde qui tente d’élever le niveau en interviewant Camille Favre, spécialiste de l’histoire des sexualités. Télérama s’est montré sceptique sur l’avenir du titre… Mais peu de bémols quant à la misogynie de la démarche. Il faut aller sur des sites plus confidentiels pour trouver par exemple cette solide critique de Caroline CM qui a décidé de brûler le magazine.
Victimisation du « connard d’hétérosexuel »
Ailleurs, la victimisation de ceux qui se revendiquent « connards d’hétérosexuel » brimés par les revendications d’égalité des sexes est en marche et l’ensemble des « grands médias » entonne le refrain. La complainte s’inscrit dans la droite ligne de celle chantée il y a quelques mois lorsqu’a été traduit en français le livre d’Hanna Rosin « La fin des hommes ». Là encore, la presse s’est enflammée… En dépit des chiffres, études et autres palmarès de dirigeants prouvant le contraire – les 40 patrons des entreprises du CAC sont des hommes, tout comme plus de 70 % des parlementaires, plus de 90 % des maires des grandes villes, 30 % d’écart de salaire entre hommes et femmes… Mais c’est l’homme hétérosexuel qui est à plaindre. Quelques mois plus tôt l’emballement médiatique se portait sur Caubère et consorts, ardents défenseurs de la prostitution se sentant menacés par un rapport préparant une nouvelle législation.
Un temps où les femmes n’avaient pas le choix
A quoi ressemble ce magazine nostalgique d’un temps où il n’était pas nécessaire de faire semblant de s’excuser d’être macho ? Le magazine se veut distrayant, alignant quelques réflexions qui passent par la tête de chroniqueurs vus à la télé… Les photos de femmes dénudées sont esthétisées. Pour emballer la pub, Lui parle de stars, de produits de luxe, un peu de culture, bref de ce qu’aiment les fans de people. Un article est consacré à la ministre des Droits des femmes qui a fini par céder au harcèlement journalistique de l’écrivain Nicolas Rey… Pas pour une interview sur sa préoccupation du moment, la loi égalité, mais parce que « Je veux tout de Najat : cheveux, poils, cérumen, caillots de sang séché, n’importe quoi, je le dévore. Je veux nettoyer ses dents d’un trait de langue », écrit Rey dans un article illustré par un montage photo de la ministre installée dans le fauteuil en rotin du film « Emmanuelle ». Pas vraiment le genre de beauté de la ministre. Mais Lui veut restaurer ce temps où les femmes n’avaient pas le choix…
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