Certes, l’Académie française s’oppose dans le principe à la féminisation des noms de fonction. Mais elle juge que « cette indifférence juridique et politique au sexe des individus ‘peut s’incliner, toutefois, devant le désir légitime des individus ».
« Madame la présidente », acte 3. Après la sanction infligée au député UMP Julien Aubert qui s’obstinait à appeler la présidente de séance Sandrine Mazetier « monsieur le président », la position de l’Académie française a été invoquée à plusieurs reprises dans le débat. Selon le député, et ses 140 confrères de l’UMP qui ont signé un « ultimatum » au président de l’Assemblée, l’Académie française récuserait l’emploi de « madame la présidente ».
Si bien que l’institution a tenu à publier une « mise au point » consacrée à sa position sur la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres. L’Académie française, en s’appuyant sur sa Commission générale de terminologie et de néologie, y justifie sa position conservatrice, qui considère le masculin comme la valeur générique, au nom de « l’héritage latin » (héritage de cette époque où les femmes étaient des sous-citoyennes). Elle rappelle qu’elle n’est pas systématiquement opposée à la féminisation des noms de métiers et fonctions – elle féminise de plus en plus de termes, comme avocate, aviatrice, éditrice, exploratrice, au fil des rééditions de son dictionnaire. Mais s’oppose à « l’entreprise de féminisation systématique », recommandée par les circulaires.
Priorité au « désir légitime »
En ce qui concerne les fonctions ou mandats publics, l’Académie est plus ferme. Elle entend préserver « l’usage générique du masculin », au nom de la neutralité. Car la fonction se réfère à la charge, et non à l’individu qui l’exerce. De quoi donner raison, à première vue, à ceux qui invoquent l’Académie française pour refuser de dire « madame la présidente ».
Sauf que… il y a un « cependant », dans la mise au point de l’Académie. Elle y souligne, reprenant la position de sa Commission générale de terminologie et de néologie, que « cette indifférence juridique et politique au sexe des individus ‘peut s’incliner, toutefois, devant le désir légitime des individus de mettre en accord, pour les communications qui leur sont personnellement destinées, leur appellation avec leur identité propre’. »
Ainsi, même si l’Académie ne le dit pas explicitement, le vœu de Sandrine Mazetier de se faire appeler « madame la présidente » est justifié. Les députés doivent s’y plier au nom du respect dû au président de séance. C’est d’ailleurs pour son insolence, son insistance à donner du « président », que Julien Aubert a été sanctionné. Et il ne peut donc invoquer l’Académie française pour sa défense.
