Peu de réalisatrices dans la sélection officielle, des coups de projecteurs sur des réalisateurs mis en cause dans des affaires d’agressions sexuelles… La vague #MeToo aurait-elle contourné la Mostra de Venise ? La 80e édition du festival de cinéma qui a lieu du 30 août au 9 septembre, accumule les signaux le laissant penser.
D’abord la sélection. Sur 23 films en lice pour le Lion d’Or, cinq ont été réalisés par des femmes et 19 par des hommes.
Pas glorieux, mais petite lueur : le directeur du festival semble ne plus trouver ça normal : « Les films de femmes sont peu nombreux, […] il faut évidemment lutter pour que les choses changent », a déclaré Alberto Barbera.
En 2018, ce directeur se montrait si méprisant envers les femmes que le réalisateur Jacques Audiard poussait un grand coup de gueule .
Et puis la mise en vedette, une énième fois, de cinéastes mis en cause dans des affaires d’agressions sexuelles (qu’ils contestent) : Roman Polanski et Woody Allen sont sélectionnés hors-compétition avec leurs nouveaux film respectifs et Luc Besson est compétition officielle.
Une tribune de l’ADA (Association d’acteur.ices) « stop à la culture du viol » publiée dans Libération, explique une nouvelle fois : « En promouvant des personnalités mises en cause pour violences sexuelles, l’industrie cinématographique perpétue un système mortifère qu’elle ne se donne même plus la peine de maquiller à coups de paillettes. Elle affiche en grand son mépris des victimes, ainsi que de celles et ceux qui se battent pour que les choses changent. Elle envoie également un message à la jeune génération : intégrez les comportements de vos aîné·e·s, et taisez-vous. »
Et ces aîné·e·s ne se privent pas de donner leur avis. Woody Allen a profité de son passage sous les projecteurs pour défendre le dirigeant du football espagnol Luis Rubiales dans le quotidien espagnol El Mundo, en déclarant : « Il ne l’a pas violée, ce n’était qu’un baiser… Il est difficile de comprendre qu’une personne puisse perdre son emploi pour avoir embrassé quelqu’un. » (Ce dirigeant avait embrassé de force une joueuse de l’équipe victorieuse de la Coupe du monde de foot. Lire dans notre récap de l’été).
Puis, lors de la projection du film de Roman Polanski, des manifestantes venues dénoncer la sélection criant « non à la culture du viol » et distribuant une brochure intitulée Arrêtez de mettre les projecteurs sur les violeurs (Turn the spotlight off on rapists).
Ce festival anti-MeToo ressemble à un backlash. Les trois dernières années, ce sont en effet des femmes qui ont reçu le Lion d’or semblant ouvrir une nouvelle ère moins misogyne pour le cinéma…
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