« Les jeux vidéo ont-ils un genre ? » C’était la question abordée par le Centre Hubertine Auclert pour ouvrir un cycle consacré aux rapports entre féminisme et nouvelles technologies.
Fanny Lignon, maîtresse de conférence en études cinématographiques et audiovisuelles ; Usul, chroniqueur de jeux vidéo ; Mar_Lard, gameuse féministe et auteure d’un article fleuve sur le sexisme geek. Leur point commun ? Ils se sont interrogés sur le genre dans les jeux vidéo et en parlaient mercredi 19 juin au Lieu du Design, dans le cadre du cycle « Hubertine est une geek » du centre Hubertine Auclert.
Devant un public mixte et plutôt jeune, Mar_Lard a ouvert la conférence en rappelant son constat sur le sexisme geek : problèmes de représentations des femmes dans les jeux vidéo (récurrence de la « demoiselle en détresse », des femmes récompenses, des costumes très sexués sans alternative…) mais aussi de comportements, que ce soit sur internet ou dans les conventions dédiées. Pas question pourtant de condamner en bloc le monde du jeu vidéo : les intervenants étaient tous trois des joueurs, soucieux des défauts de leur propre milieu.
Alors que Mar_Lard s’était concentrée sur les clichés concernant les femmes, Usul a pris le relais avec une vidéo sur la virilité. Complice avec Mar_Lard – ils avait déjà collaboré sur le sujet – le chroniqueur a évoqué les réactions violentes qu’elle avait essuyées. « Ils se sentent agressés car ils pensent avoir un libre-arbitre et on leur explique qu’ils sont conditionnés » a-t-il expliqué.
Usul a également postulé que le jeu vidéo est un milieu très libéral, certes de mœurs mais aussi de marché ; d’où un certain cynisme chez les créateurs, sur le mode « après tout, si ça fait vendre ». Il a enfin rappelé quelques mythes : les femmes ne se seraient mises aux jeux vidéos que récemment (ce que Mar_Lard a démonté) et les geeks prendraient leur revanche sur les filles qui les ont rejetés quand ils étaient plus jeunes.
« Boobs & butt »
Fanny Lignon a quant à elle fait part d’une de ses études : l’analyse de jaquettes de jeux vidéo. Lorsque les illustrations présentent des femmes et des hommes, les seconds sont habituellement au premier plan. La majorité des titres montre uniquement un héros masculin ; armés, musclés, ils présentent un visage agressif et sans sourire.
« On reconnaît les hommes dans la rue parce qu’ils font la gueule, non ? » s’est amusée Fanny Lignon, provoquant l’hilarité générale. Les seuls titres (3 sur 68) présentant une héroïne la montrent extrêmement sexualisée, dans la fameuse pose « boobs & butt » (une contorsion étrange qui montre à la fois la poitrine et les fesses). Enfin la maîtresse de conférence a examiné un jeu en particulier (Heavenly Sword), développant l’ambiguïté de son héroïne, à la fois stéréotypée au féminin (physiquement) et au masculin (psychologiquement).
La conférence s’est terminée par un échange avec le public, permettant d’évoquer autant le sujet de l’humour que celui de la violence ou encore la loi de Lewis : « J’hésitais à venir, et puis j’ai vu les commentaires hyper-sexistes sur Facebook à propos de cet événement et je me suis dit qu’il fallait que je vienne », témoignait un spectateur.
La conférence « Les jeux vidéo ont-ils un genre » ouvrait le cycle « Hubertine est une geek ». Organisé par le centre Hubertine Auclert, dont l’objectif est de « promouvoir une culture de l’égalité entre hommes et femmes », ce cycle proposera des conférences-débat et des ateliers sur les rapports entre féminisme et nouvelles technologies. Le prochain sera consacré à « l’open-data au service du féminisme ». D’autres suivront, sur des thèmes encore inconnus. L’inscription (gratuite) se fait sur le site du Centre Hubertine Auclert.