Le jeudi 19 octobre, les professionnel.les de la petite enfance se sont mobilisé.e.s. Ce secteur souffre depuis des années de la mise en place d’un marché privé lucratif qui crée de mauvaises conditions de travail et d’accueil des enfants
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« Nos bébés ne sont pas des marchandises » scandait Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, aux côtés des professionnel.les de la petite enfance. Le jeudi 19 octobre, ces travailleurs et travailleuses se sont mis en grève pour protester contre la dégradation progressive de leurs conditions de travail. Mais pas seulement : rémunérations des professionnel∙les en baisse, déréglementation du secteur, financements complexes et inefficaces, déqualification et maltraitance induite par le manque de moyens… leurs doléances sont nombreuses. Le collectif « Pas de bébés à la consigne », qui réunit des syndicats, des organisations professionnelles et des mouvements d’idées, lutte depuis des années contre la marchandisation progressive du secteur de la petite enfance. Un système de marché privé lucratif qui a notamment démontré son inefficacité et ses risques accrus de maltraitance.
« J’ai parfois l’impression d’être dans une usine à bébé »
En juin dernier, la Première ministre Elisabeth Borne annonçait la création de 200.000 places de crèches d’ici à 2030. Or, la Convention d’Objectifs et de Gestion de la branche famille, principal financeur, n’en prévoit finalement que 30.000. Ce décalage entre les annonces du gouvernement et les besoins réels du secteur de la petite enfance est le reflet d’une détérioration progressive, en partie due à la privatisation du secteur.
La rentabilité est ainsi devenue la nouvelle boussole, mettant au second plan le soin porté aux enfants. « Les conditions de travail se dégradent et on ne respecte plus le rythme de l’enfant. On n’est pas assez en nombre. J’ai parfois l’impression d’être dans une usine à bébé » témoigne une auxiliaire de puériculture lors de l’enquête « Mon travail le vaut bien », menée par la CGT en 2022. Là où il était fixé à 1 professionnel.le pour 5 enfants qui ne marchent pas et 1 pour 8 enfants qui marchent, ces taux ont été fusionnés à 1 pour 6 enfants. La CGT se calque sur le modèle allemand et revendique de le fixer à 1 professionnel.le pour 4 enfants. Le taux de sur-occupation des crèches a été remonté à 115 % en permanence là où il n’était que transitoire et conditionné à un taux hebdomadaire du 100 %. Alors même qu’en 2022, près de 50 % des établissements d’accueil du jeune (EAJE) déclaraient manquer de personnels. Une situation alarmante selon cette éducatrice : « Bientôt les animaux seront plus respectés que nos enfants, citoyens de demain ».
Avoir un service public de prise en charge de la petite enfance, c’est fondamental pour l'émancipation des femmes.
— Sophie Binet (@BinetSophie) October 20, 2023
J'apporte tout mon soutien aux professionnel·les de la petite enfance dans leur lutte pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.
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Les femmes sont les premières à pâtir de ce système
Comme l’ensemble des métiers du care, le secteur de la petite enfance est majoritairement féminin : soignantes, auxiliaires, aides à domiciles, assistantes maternelles et nourrices. Elles dénoncent à l’unisson la non-reconnaissance de la pénibilité de leur travail. « Des enfants qui hurlent, c’est souvent le même niveau qu’un marteau piqueur. Des enfants à porter c’est le même niveau que plein de sacs de ciment, insiste Sophie Binet, avant d’ajouter : votre mobilisation est très importante pour toutes les femmes ».
En effet, une femme sur deux réduit ou cesse son activité professionnelle après une naissance (contre 1 homme sur 9) selon la CGT. En outre, 94 % des allocataires du congé parental indemnisé sont des femmes qui se retrouvent, pour la plupart, désocialisées, rendant difficile le retour au travail après trois ans d’interruption. Avec Sophie Binet à sa tête, l’organisation syndicale ambitionne de revaloriser le secteur de la petite enfance, mais également l’ensemble des métiers du soin, afin de pallier ces inégalités au sein des couples et promouvoir une parentalité égalitaire.
Et après ?
La veille de la journée de mobilisation du 19 octobre, le collectif Pas de bébés à la consigne, ainsi que la CGT, ont été reçus par la ministre des Solidarités et de la famille, Aurore Bergé. Dans son rapport, le collectif s’est dit écouté par la ministre. En revanche, aucune mesure concrète, ou même promesse de solution, ne leur a été faite… Quant aux revendications concernant la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance, la CGT précise qu’elle n’a eu aucune réponse. Néanmoins, Sophie Binet et Pas de bébés à la consigne devraient être à nouveau reçus par la ministre pour « des points d’étape et construire dans le temps ».