La pornographie est consommée par des enfants de plus en plus jeunes. « Pop Porn, le porno c’est pas la vraie vie ! » prévient sur ses dangers sans pour autant faire la leçon à celles et ceux qui en regardent. Une BD honnête et ludique pour décomplexer les discussions autour de la sexualité entre enfants et parents.

Être exposé à la pornographie trop tôt impacte t-il la sexualité ? C’est la question posée par « Pop Porn, le porno c’est pas la vraie vie ! » (éd Matin !, Dargaud), une courte bande dessinée. À partir de sa propre expérience, l’autrice de BD Caroline Nasica s’interroge sur les effets de sa découverte précoce du porno à 8 ans. Pour l’éclairer dans cette remise en question, la journaliste Elvire Duvelle-Charles a recueilli différents témoignages.
Le porno n’est pas un tuto
Et ces témoignages se ressemblent. Hommes comme femmes, ils ont été exposés à de la pornographie dès le collège. La BD indique que 27% des enfants de 12 ans y ont déjà été confrontés. Or, pour ces pré-ados, dont la vie sexuelle et affective n’a pas encore débuté, la pornographie s’impose dans leur imaginaire et le façonne.
« Ce qu’on voit derrière l’écran, ce n’est pas la réalité ! On n’empêchera jamais un ado de mater du porno. L’enjeu est que ça ne se transforme pas en tuto », explique Chloé, chargée de communication de l’association française Open (Observatoire de la Parentalité & de l’Éducation Numérique), citée dans la BD. Le porno fait office d’exemple pour ces jeunes en recherche de repères. Sauf que le porno mainstream est majoritairement fait par et pour des hommes et véhicule un imaginaire sexuel phallocentré.
En 2023, 90% des vidéos en ligne contenaient des violences physiques et sexuelles selon le Haut Conseil à l’Égalité. Les pratiques représentées dans ces films contribuent à banaliser les violences envers les femmes, voire à une culture du viol selon Elvire Duvelle-Charles. L’exemple de Nicolas F., cité dans la BD, illustre le mécanisme à l’œuvre. Le jeune homme confie s’être servi de la pornographie comme d’un guide et avoir reproduit ce qu’il voyait sur son écran pendant des années… jusqu’à ce que ça aille trop loin et qu’une de ses partenaires lui fasse comprendre que ses pratiques dépassent les limites du consentement.
En outre, le porno favorise une représentation stéréotypée des différentes origines ethniques dans ses scénarios : la femme latina aux formes généreuses ou l’écolière asiatique ingénue et encore vierge. Sauf que ces clichés racistes et sexistes se téléportent dans la « vraie vie » et les femmes racisées rapportent être régulièrement traitées comme une expérience exotique par les hommes qu’elles fréquentent.
Parler de sexualité sans tabou
Lorsque les ados et pré-ados sont exposés à de la pornographie, les réactions sont multiples. Certain.e.s sont dégouté.e.s ou honteux.euses et d’autres sont intrigué.e.s et curieux.euses. Tout en dénonçant les travers de la pornographie, les autrices de la BD ne culpabilisent pas celles et ceux qui en consomment. Le but étant plutôt de détricoter les biais qu’elle instaure chez eux.elles dans leur rapport au corps, à la performance et dans leur vie affective.
Le tabou autour de l’intimité et de la sexualité a la peau dure et les parents ont parfois du mal à aborder la question avec leur progéniture. Le porno, dont l’accessibilité sur internet par les mineur.e.s est désarmante, devient la seule référence à portée de main des ados, qui intègrent ces représentations stéréotypées, irréalistes et violentes comme la norme.
« Je vivais mon plaisir virtuellement, je l’idéalisais » se souvient l’un des interviewés. Mais le virtuel a pris l’ascendant sur la réalité, causant des problèmes d’érection au jeune homme qui finit par se replier sur lui-même. Ou cette jeune femme qui, dès son adolescence, décide d’éradiquer ses poils afin de calquer son corps à celui des actrices porno souvent imberbes et envisage même de subir une labiaplastie. Cette opération, qui consiste à une réduction des grandes et/ou petites lèvres, est pratiquée dans 20% des cas sur des femmes entre 18 et 25 ans, alors que seulement 5% d’entre elles ont des malformations… D’où la nécessité d’accompagner les jeunes dans leur découverte de la sexualité et de leur corps… c’est le but de cette BD ! Les autrices abordent sans détour la question du consentement, de l’addiction au porno et du revenge porn, afin de dessiner une sexualité libérée des violences patriarcales.
« Pop Porn, le porno c’est pas la vraie vie ! » de Caroline Nasica et Elvire Duvelle-Charles. Éd Matin ! et Dargaud, 72 pages, 9,90€.
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