Les attaques contre celles et ceux qui veulent protéger l’environnement se multiplient. Des femmes sont souvent en première ligne. Les gros bras inversent les discours en parlant d’écoterrorisme.

« Déviriliser la politique », « changer les codes du pouvoir » ces mots, prononcés par la députée verte Sandrine Rousseau lors d’une récente émission sur France info, ont bien sûr fâché beaucoup de monde. Elle affirmait qu’il était temps d’en finir avec « la figure des chefs autoritaires qui imposent et sortent conquérants », pour « aller vers la coopération, vers la discussion, vers l’échange, vers l’humilité ».
Des féministes, comme l’élue de Paris Raphaëlle Rémy-Leleu, ont dû assurer le service après-vente dans des médias très remontés contre celle qui est devenue leur bête noire depuis qu’elle parle de « déconstruire » cette virilité qui guide le monde. Pas facile d’expliquer qu’il n’est pas question de « nature » masculine ou féminine mais de socialisation différente des hommes et des femmes, les hommes apprenant à conquérir et dominer quand les femmes apprennent l’altruisme et sont assignées à prendre soin des autres. Fatalement, les codes du pouvoir sont empreints de virilité toxique. Des codes que Margaret Thatcher et beaucoup de femmes de pouvoir adoptent (ont-elles le choix ?).
Les appels féministes à déviriliser le pouvoir ne sont pas nouveaux mais ils ont du mal à se faire entendre, écrasés par le bruit de la virilité triomphante. Une virilité toxique qui s’exprime dans des actes et dans des discours.
Ces derniers mois ont été marqués par des attaques violentes de journalistes ou/et défenseures de l’environnement. Ce ne sont pas toujours des femmes qui sont visées mais très souvent. Des personnalités qui prônent l’information, le dialogue et l’action pour protéger la planète et la santé sont menacées, attaquées, objet de tentatives d’intimidation d’un autre temps. Et les gros bras qui attaquent sont rarement inquiétés.
Le 25 mars dernier, la journaliste Morgan Large a porté plainte, pour dénoncer le sabotage de sa voiture. Les écrous d’une roue de son véhicule avaient été une nouvelle fois dévissés mettant sa vie en danger. Co-fondatrice de Splann ! et animatrice à Radio Kreiz Breizh (RKB), Morgan Large travaille notamment sur l’agro-industrie et sur les atteintes à l’environnement en Bretagne.
Elle avait porté plainte pour des faits identiques il y a deux ans. Un premier sabotage de sa voiture avait eu lieu le 27 mars 2021, après la diffusion d’un documentaire sur France 5 (« Bretagne, une terre sacrifiée ») sur les dérives de l’industrie agro-alimentaire bretonne dans lequel elle témoignait. Une information judiciaire avait alors été ouverte par le procureur de la République de Saint-Brieuc. Et, jugeant les « menaces » qui pesaient sur la journaliste « suffisamment graves » pour cette démarche, l’association Reporters sans frontières avait demandé une protection policière. Mais cette demande avait été refusée et la plainte classée sans suite. « Le refus de lui assurer une protection policière après sa première plainte, puis le classement sans suite de celle-ci en décembre 2022 ont-ils favorisé un sentiment d’impunité chez ses agresseurs ? », interroge le communiqué de Splann !.
« On ne le dira jamais assez : enquêter sur les questions écologiques et dénoncer, entre autres, les agissements de l’agro-industrie est dangereux, les intimidations nombreuses. Soutien aux consœurs et confrères de Splan enquêtes » a écrit la journaliste spécialisée dans les sujets environnement, Anne-Sophie Novel.
Quelques jours après ce sabotage, un article dans Le Monde citait de nombreux faits de « violence et intimidation contre les défenseurs de l’environnement » ayant eu lieu dans l’ouest de la France. Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France raconte qu’un dîner caritatif au profit de son association a été empêché par une trentaine de pêcheurs à Anglet (Pyrénées-Atlantiques). Deux bénévoles de cette association ont été passés à tabac et été sauvés par des caméras de surveillance remarquées par leurs agresseurs mais ils ont tout de même reçu dix jours d’incapacité totale de travail (ITT) et ont porté plainte. Le Monde raconte que des pêcheurs se rendent régulièrement au domicile de la présidente pour l’intimider.
Pour protester contre les restrictions d’usage de l’eau d’irrigation et des pesticides, des membres de la FNSEA déversent du fumier, des déchets au domicile de certain.es militant.es écolo. Ils taguent des inscriptions sur leurs maisons. Et ne sont pas beaucoup inquiétés par la police. Le scénario est souvent celui-ci : les préfets prennent des arrêtés concernant l’eau ou les pesticides contraires à la loi et quand les écolos mènent des actions en justice pour faire respecter la loi, les gros bras s’en prennent à eux.
Dans les Alpes, à La Cluzaz, Valérie Paumier, fondatrice de « Resilience Montagne » a violemment été agressée verbalement par trois hommes, dont un élu, alors qu’elle se trouvait avec des amis dans un restaurant, raconte l’Obs .
Marine Tondelier affronte ces » justiciers » hors la loi
Fin mars dans le Lot-et-Garonne, un communiqué de presse menaçait de représailles la secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), Marine Tondelier si elle se rendait, comme elle l’avait prévu, dans le département. Ce communiqué officiel était signé par le président de la chambre d’agriculture de ce département, Serge Bousquet-Cassagne et la Coordination Rurale (syndicat d’extrême droite), il mettait en garde : « Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer ! »… « Vous n’êtes pas la bienvenue, le territoire vous est hostile ! ». Le vocabulaire guerrier transpirait : « il n’y aura pas de trêve dans nos combats, nous veillons et veillerons dans notre fief ». Serge Bousquet-Cassagne avait été condamné il y a quelques mois à 10 mois de prison avec sursis pour avoir construit, dans l’illégalité, une retenue d’eau.
Mais le bonhomme n’est pas loin d’imposer sa loi. Quelques autorités locales, pourtant favorables à EELV, ont déconseillé à la représentante du parti de venir, craignant que des chasseurs ne se montrent très dangereux. Mais pas question ! « Parce que si la Secrétaire Nationale d’ @eelv cède, c’est quoi la suite ? Que les militants écologistes qui militent courageusement dans le coin et partout ailleurs en France ne sortent plus de chez eux ? » écrit-elle dans une succession de tweets. Elle raconte qu’au téléphone, le matin de sa venue, le président de la chambre d’Agriculture, l’a menacée encore. Ses troupes déverseront du lisier dans la fontaine de Marmande près de la gare où Marine Tondelier devait arriver. La petite bande l’empêchera de se rendre à un « pole mère-enfant » menacé de fermeture. Et quand les gros bras comprendront qu’elle arrive vers l’endroit où ils se trouvent, nouvel accès de virilité : « si elle vient, elle a des couilles ». « Le tweet best-of de notre ami le Président de la Chambre d’agriculture » commentera Marine Tondelier.
Marine Tondelier a raconté les attaques et menaces sur Twitter.
A chaque étape, elle raconte qu’elle a été soutenue par des citoyen.nes plus nombreux mais moins bruyants que ceux qui portent la virilité toxique en étendard.
Mais le pouvoir écoféministe n’a pas gagné la partie. Les gros bras font toujours beaucoup de bruit et n’hésitent pas à pratiquer l’inversion de discours. Ils se prennent pour des justiciers quand ils attaquent les écologistes. Ils traitent ces écologistes de terroristes, d’écoterroristes et ce discours est parfois repris par des dirigeants politiques comme le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. La dévirilisation du pouvoir n’est pas gagnée.
Cette inversion de discours est, depuis belle lurette, l’une des grosses ficelles des dominants pour intimider celles qui voudraient adhérer aux idées féministes. Ils parlent de « féminazies », de « terrorisme féministe »…
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