Le féminisme fait partie des « must have » de la prochaine élection présidentielle… « Mais » pas trop ou complètement dévoyé, à coup, parfois, d’accusation « d’inquisition ».
Ça tire dans tous les sens ! Dans le chargeur des armes de campagne : des accusations de non féminisme… Ce qui pourrait être une bonne nouvelle si le féminisme n’était pas dévoyé.
Dans la série « plus féministe que moi tu meurs », Gabriel Attal s’en est pris au « drôle de féminisme » de Valérie Pécresse (interview dans Le Parisien). La candidate, désignée pour représenter Les Républicains (LR) à l’élection présidentielle 2022, avait, elle-même décoché une flèche en direction du parti du porte-parole du gouvernement quelques jours auparavant. La République en Marche (LREM) se mettait en ordre de bataille pour la présidentielle en créant un nouveau mouvement dirigé par un quatuor d’hommes. Critiqué dans les médias (Lire : LES HOMMES GARDENT LES CLEFS DE LA « MAISON COMMUNE ») le mouvement, lors de sa soirée de lancement, avait appelé des femmes à la tribune.
Interrogée sur ce sujet par BFM TV (ici vers la 8ème minute), la candidate LR s’est emballée : « je ne veux pas des potiches à une tribune, je ne veux pas des plantes vertes qu’on pose là comme l’a fait Emmanuel Macron»… Avant de rétropédaler avec une punchline dont elle a le secret : « c’est ce que j’appelle l’école du vice ». Comme les numéros Un des partis sont des hommes, on va chercher les vice-présidentes, les numéros 2 ou les adjointes explique-t-elle.
Valérie Pécresse a pourtant du mal à se dire franchement féministe. Poussée par les journalistes de BFMTV, elle finira par lâcher « je suis féministe par nature parce que, ce que je veux, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes ». Bien partie jusqu’à ce qu’elle ajoute un « mais » pour se démarquer de courants féministes qu’elle n’aime pas. Ce qu’elle veut, dit-elle, c’est la mixité. Et personne sur le plateau pour lui faire remarquer que mixité n’implique pas forcément égalité.
Parenthèse pacifique
Ce qui ne l’empêche pourtant pas de représenter une sorte de réussite du féminisme. Cette candidate dont tout le monde dit que « personne ne l’avait vu venir » a fait mentir les préjugés des observateurs et acteurs de la politique qui n’imaginent pas une femme présidente de la République. Elle a d’ailleurs été félicitée par une opposante, Sandrine Rousseau. Celle qui est désormais chargée de la stratégie du candidat écologiste Yannick Jadot, lui a adressé un message de «respect» sur son compte Twitter. «Ce temps où des digues, des plafonds de verre sautent enfin. Bravo pour votre victoire Valérie Pécresse. Oui bataille politique il y aura sur le plan des idées – trop éloignées, opposées même. Mais respect pour votre parcours.» Ce à quoi Valérie Pécresse a répondu : «le combat pour nos convictions – souvent opposées -, n’exclut pas le respect mutuel».
« Inquisition ! »
Un peu de paroles apaisées dans une campagne où les inversions de responsabilité mettant le féminisme sur la selette vont bon train. Emmanuel Macron, qui ne s’est pas encore déclaré candidat à sa propre succession a tenu des propos très inquiétants. A propos des accusations portées contre son ancien ministre Nicolas Hulot ou Patrick Poivre d’Arvor et plus généralement sur la libération de la parole des femmes victimes d’agressions sexuelles, il a dit qu’il ne voulait ni « opacité », ni « complaisance » ni « inquisition ». Au début de #MeToo, alors qu’il présentait l’égalité femmes-hommes comme la grande cause du quinquennat, il parlait de risque de « délation ».
Ce vocabulaire, qui renvoie aux heures sombres de l’Histoire de France, dénigre celles qui osent parler et alimente la « machine à taire ». Dans une tribune, très forte, publiée ce mercredi dans Le Monde, un collectif de quatorze femmes, s’étant déclarées victimes de violences sexuelles et de viol de la part des deux hommes, répond au président de la République : « nous ne sommes pas les bourreaux. » Elles remettent le sujet à l’endroit : « Nous ne voulons pas, non plus, d’une société où les victimes de la violence des dominants seraient tenues au silence et condamnées à l’opprobre, à l’infamie et à la caricature si elles transgressent cette règle. » Pas sûr qu’elles gagnent la bataille culturelle contre le président et l’ensemble des candidats.
Du côté des verts, c’est Yannick Jadot qui a cru faire assaut de féminisme en affirmant qu’il allait abolir la loi de lutte contre le système prostitutionnel de 2016. Il voulait plaire à une minorité mais s’est coupé d’un très grand nombre de féministes qui appellent à ne pas voter pour lui (lire : PROSTITUTION : « LES HOMMES SONT RESPONSABLES DE LÀ OÙ ILS METTENT LEUR PÉNIS »…)
Combo anti-féministe
Mais le champion toute catégorie du féminisme dévoyé reste Eric Zemmour. A la tribune de son bruyant meeting, le candidat aux discours d’extrême droite, accusé de multiples agressions sexuelles, surjoue l’homme offensé quand on dit de lui qu’il est misogyne. Il trouve l’accusation ridicule. Pourtant, après un essai consternant, « Le premier sexe », en 2008, il a multiplié les déclarations sexistes. Et dans son dernier essai, il écrit : « dans une société traditionnelle, l’appétit sexuel des hommes va de pair avec le pouvoir; les femmes sont le but et le butin de tout homme doué qui aspire à grimper dans la société. Les femmes le reconnaissent, l’élisent, le chérissent. » Son « féminisme » à lui consiste à défendre ce butin, défendre « nos » femmes contre les immigrés… Il croit masquer sa misogynie derrière son racisme. Autre argument éculé : Eric Zemmour prétend qu’il ne peut être misogyne puisqu’il parle de sa mère et des femmes de sa famille… Et, troisième parade : il accuse les féministes dont il semble ignorer qu’elles luttent contre la violence machiste. Selon lui, elles « détournent le regard et nous parlent d’écriture inclusive ». Pas très original, il sert sans vergogne les arguments antiféministes les plus classiques (lire : LEÇON D’ANTIFÉMINISME SUR FRANCE INTER). Et ça ne fait que commencer !