Des stages de sensibilisation, c’est notamment ce que promeut la proposition de loi visant à « responsabiliser les clients de la prostitution ». Deuxième volet du texte : la protection des victimes de la traite.
Comme prévu, au lendemain du vote de la résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France, mardi 6 décembre, les députés Guy Geoffroy (UMP) et Danielle Bousquet (PS) ont déposé leur proposition de loi pour rentrer dans le vif du sujet : « responsabiliser les clients de la prostitution ».
Le texte fait du recours à la prostitution (« le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’autrui ») un délit, passible de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende.
Cela ne signifie pas pour autant que des clients finiront derrière les barreaux. En Suède, où une législation similaire est en vigueur, aucune peine de prison n’a été prononcée en 10 ans.
Les députés regrettent que lors de la publication de leur rapport publié en avril, « une seule des trente préconisations a[it] été retenue par la plupart des commentateurs (la « pénalisation des clients ») ». Danielle Bousquet et Guy Geoffroy préfèrent mettre en avant le terme de « responsabilisation ».
En contrepoint – ce principe figurait déjà en bonne place dans le rapport – le texte entend « renforcer la protection des victimes de la traite et du proxénétisme ». Danielle Bousquet et Guy Geoffroy en font un leitmotiv : il y a vingt ans, 80% des prostituées étaient françaises. Aujourd’hui, plus de 80% sont étrangères, souvent en situation irrégulière et victimes de la traite.
Ces dernières se verraient faciliter l’accès à un titre de séjour (2). Les victimes d’exploitation sexuelle qui décident d’arrêter l’activité de prostitution auraient droit à un revenu de substitution. Elles pourraient demander le huis clos pour témoigner dans un procès.
Et comme prévu, le texte se débarrasse du point qui irrite les associations et qui divise le PS et l’UMP : le délit de racolage, institué en 2003. Selon la proposition de loi, un bilan de cette disposition sera effectué, en même temps qu’un bilan de la pénalisation des clients, 18 mois après la promulgation de la loi.
Les auteurs du texte ajoutent : « ce rapport aurait vocation à faire partie d’une évaluation d’ensemble qui serait menée à moyen terme (quatre ou cinq ans) et qui pourrait déboucher, au vu des résultats produits par la loi, sur des modifications législatives. » Autrement dit, pas de remise en cause du délit de racolage avant 5 ans.
Reste que cette proposition de loi ne sera, sauf surprise, pas examinée avant la fin de cette législature. En cas de changement de majorité au printemps, ce volet du texte serait sans doute revu.
Image : campagne du Lobby européen des femmes (LEF) « pour une Europe libérée de la prostitution ».
(1) Selon les députés « ce stage, qui pourrait être organisé par des associations agréées, aurait pour objectifs d’apporter aux clients une information sur les conditions de vie et d’exercice des personnes prostituées ainsi que sur la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle et le proxénétisme. Il aurait également pour vocation d’expliciter les liens existants entre prostitution et inégalité de genre et la responsabilité des clients dans la perpétuation du système prostitutionnel. Pourraient notamment intervenir au cours de ces stages des personnes prostituées ou anciennement prostituées. »
(2) Les députés relevaient dans leur rapport que parmi les victimes de traite identifiées, seule une sur dix a pu obtenir un titre de séjour en 2010. A cause de blocages à la fois en amont – la police rechigne à accorder aux prostituées les droits qui leur sont dûs – et en aval, en raison de « divers blocages au niveau préfectoral ».