A l’occasion du deuxième anniversaire de la « loi de lutte contre le système prostitutionnel », Médecins du monde ravive la polémique.
Jeudi dernier, l’ONG Médecins du Monde publiait une enquête à charge contre la loi de lutte contre le système prostitutionnel. Et samedi, une centaine de personnes manifestaient place Pigalle à Paris, à l’appel du Strass (syndicat du travail sexuel) contre cette loi. Ce sont les mêmes qui étaient vent debout contre ce texte lorsqu’il a été discuté puis promulgué le 13 avril 2016. (Voir : Les clients de prostituées marquent un point au Sénat (2014))
Le Haut conseil à l’égalité (HCE) résume ainsi cette loi qu’il a aussi portée : « l’abrogation du délit de racolage, la mise en œuvre de nouveaux droits pour les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution (titres de séjour, accès prioritaire au logement, indemnisation, …) et la pénalisation de l’achat d’actes sexuels. Grâce à cette loi, ce ne sont plus les personnes prostituées qui sont poursuivies mais bien les clients, qui alimentent le système prostitutionnel. »
Ce que l’enquête de Médecins du monde critique ? La baisse des revenus des personnes qui sont appelées dans le rapport « travailleur.se.s du sexe », leur précarisation et la violence accrues dont elles seraient victimes. Mais le rapport précise aussi que les personnes interrogées sont membres des associations partenaires, comme le Strass. Ce qui, reconnaissent les auteurs « peut créer un biais, à savoir de produire un discours correspondant aux objectifs affichés de l’association. » Le rapport souligne également que les « parcours de sortie » préconisés par la loi sont lents et qu’il est irréaliste de cesser la prostitution en l’absence d’autres perspectives. Un point sur lequel les promoteurs de la loi sont d’accord.
Du coup, beaucoup de journaux ont affiché des titres alarmistes sur les conséquences « préjudiciables », « délétères » ou même « accablantes », « le constat inquiétant » ou le bilan « alarmant » de la loi qui, selon le rapport, « met en danger ».
Ce à quoi des professionnels de la santé parmi lesquels Muriel Salmona, Patrick Pelloux ou Emmanuelle Piet répondent dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche, qu’ « affirmer que la loi de 2016 aggrave la situation des personnes prostituées ne fait aucun sens », c’est la prostitution qui expose les personnes à de nombreux dangers, pas la sortie de prostitution.
Reste une question cruciale, celle des moyens d’appliquer la loi. Seulement 2000 clients auraient été verbalisés, les stages de responsabilisation des clients n’ont eu lieu que dans quatre départements et 55 personnes bénéficient d’un « parcours de sortie » .
Le HCE demande donc : « l’augmentation des moyens financiers et humains alloués aux associations spécialisées qui accompagnent les victimes ; la généralisation des commissions départementales sur tout le territoire ; le renforcement de la lutte contre le proxénétisme ; la formation de l’ensemble des professionnel.le.s et un plan d’éducation à une sexualité égalitaire. »
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