Les crédits alloués aux associations de soutien aux personnes prostituées ont été divisés par trois ces cinq dernières années. Un risque majeur en termes sanitaires, avertit l’IGAS.
Il faut redonner aux associations les moyens d’agir en faveur des personnes prostituées. C’est la principale recommandation du rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) publié mardi 18 décembre et consacré aux enjeux sanitaires de la prostitution.
Le rapport salue le travail des associations de terrain agissant pour la prévention et la réinsertion, mais pointe du doigt les sévères restrictions des subventions qui leur sont allouées. Leurs crédits ont été divisés par trois ces cinq dernières années, passant de 6,7 millions en 2006 à 2,2 millions en 2011. Ce qui « contraste avec la priorité par ailleurs affichée à la réinsertion professionnelle et sociale des personnes concernées », note perfidement l’IGAS.
Dans le même temps, les politiques de subventionnement sont « mal définies » et « il y a à l’évidence un défaut d’animation et de cohérence » de la part des différents acteurs institutionnels. Le rapport recommande dès lors d’ « accroître les efforts de prévention en développant les outils et moyens confiés aux associations ».
Prostitutions ?
Le rapport de l’IGAS insiste sur la multiplicité des situations de prostitution, et préfère d’ailleurs parler de prostitutions, au pluriel. Il souligne que la prostitution de rue n’en représente qu’une partie. Tandis que la prostitution « indoor », qui recrute par internet ou petites annonces, demeure « très mal connue ». Dans tous les cas, « l’isolement et la clandestinité apparaissent comme des facteurs d’aggravation des risques ». Dès lors, « l’amélioration de la connaissance concernant les différentes formes de prostitution constitue un préalable indispensable pour assurer la prise en charge des enjeux sanitaires ». Le rapport met par ailleurs l’accent sur l’attention particulière qui doit être portée aux publics les plus fragiles : les jeunes mineurs qui se prostituent, un phénomène « mal appréhendé par les institutions publiques ». Et les étranger(e)s en situation irrégulière qui représentent une « part importante » des personnes prostituées.
Ces observations, globalement, font écho à celles contenues dans le rapport parlementaire de Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, publié en avril 2011 (Lire : Rapport sur la prostitution : punir les clients, pas seulement).
Le gouvernement « fait siennes » ces recommandations, assure le ministère des Droits des femmes, qui souligne : « assurer la mise en cohérence de ces financements sera l’une des responsabilités de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains ». L’organisation de cette mission doit justement être précisée en conseil des ministres ce mercredi 19 décembre.
Délit de racolage à nouveau en question
Le sujet polémique – le projet du gouvernement de pénaliser les clients – est relégué à l’arrière plan de ce rapport. La législation qu’évoque en revanche l’IGAS dans son rapport, c’est celle qui a instauré en 2003 le délit de racolage passif. Cette pénalisation des prostitué-e-s est depuis lors dénoncée par les acteurs de terrain (Lire : Prostitué(e)s, victimes de la loi).
« Le gouvernement s’est engagé à abroger ce texte », souligne le ministère des Droits des femmes, en rappelant que « le travail parlementaire est désormais lancé dans le cadre d’un groupe de travail parlementaire, qui permettra d’examiner la question de la politique pénale de la prostitution sous tous ses aspects ». La Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a initié fin novembre une série d’auditions sur la question. C’est la mise en œuvre de ce travail global qui a conduit à reporter l’examen de la proposition de loi du groupe écologiste qui visait précisément à mettre un terme au délit de racolage passif (Lire : Racolage passif : l’imbroglio de l’abrogation).
Et c’est donc aux parlementaires que reviendra, éventuellement, de renforcer la loi pour pénaliser les clients. Le ministère des Droits des femmes souligne simplement pour l’heure que « la conduite d’actions de sensibilisation et d’éducation à destination des clients telles qu’elles sont déjà expérimentées sur le territoire doit être amplifiée. »
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