Une résolution pour rappeler les réalités de la prostitution et l’engagement abolitionniste de la France. Deux mois après avoir publié leur rapport, les députés Danielle Bousquet et Guy Geoffroy entendent maintenir la question de la prostitution dans le débat public et politique.
Deux mois après leur rapport d’information sur la prostitution, les députés Danielle Bousquet (photo) et Guy Geoffroy ont remis au président de l’Assemblée nationale une proposition de résolution parlementaire « réaffirmant la position abolitionniste de la France ». Le texte devrait trouver sa place à l’automne dans le calendrier parlementaire et être voté sans difficulté, puisqu’il a été signé par des représentants de toutes les familles politiques (1). Aboutissement de la collaboration sur ce sujet entre la députée PS et son confrère UMP. Guy Geoffroy est allé démarcher les groupes de la majorité, Danielle Bousquet ceux de l’opposition.
Contrainte, violence, aliénation
Cette résolution est la première traduction législative du rapport, dont elle constituait l’une des 30 propositions. Il s’agit d’en « réaffirmer l’essentiel », explique Danielle Bousquet. Comme elle le soulignait déjà lors de la publication du rapport, la députée entend « que le débat se fasse, que les gens prennent conscience que, loin d’être une liberté, la prostitution est une aliénation ».
Dans son exposé des motifs, la proposition de résolution reprend ainsi les éléments au coeur du rapport remis il y a deux mois : « l’emprise croissante des réseaux de traite », « la contrainte qui est le plus souvent à l’origine de l’entrée dans la prostitution », sa « réalité sexuée », « la violence inhérente à cette activité ». Il invite les députés à réaffirmer la position abolitionniste de la France, qui passe par le fait que « la prostitution ne saurait en aucun cas être assimilée à une activité professionnelle ».
« Changement progressif »
Mais un long chemin reste à faire pour « changer le regard de la société, car elle est encore très tolérante », reconnaît Danielle Bousquet, qui déplore notamment « la complaisance des médias aujourd’hui en France » à l’égard de la prostitution, encore largement assimilée à l’image joyeuse des « petites femmes et du marivaudage ». En écho, le texte de la résolution « proclame que la notion de besoins sexuels irrépressibles renvoie à une conception archaïque de la sexualité qui ne saurait légitimer la prostitution, pas plus qu’elle ne justifie le viol ».
Les médias avaient, nous le relevions à la publication du rapport, largement donné la parole aux clients. La pénalisation des clients, qui était « une des mesures parmi beaucoup d’autres » dans le rapport, a été de loin la plus commentée. Cette mesure est pourtant « un moyen de faire prendre conscience que le client joue un rôle déterminant, pas une fin en soi », répète Danielle Bousquet. Comme conclut le texte de la résolution : « la prostitution ne pourra régresser que grâce à un changement progressif des mentalités et un patient travail de prévention, d’éducation et de responsabilisation des clients et de la société toute entière ».
Danielle Bousquet et Guy Geoffroy se mettront sous peu à travailler sur le texte de loi sur la question. Mais, « changement progressif » oblige, pas question de se précipiter. « Pourquoi pas proposer une période expérimentale de 5 ans ? », s’interroge aujourd’hui la députée.
Prendre des engagements
L’autre objectif du texte, c’est de « faire levier vis à vis du gouvernement », explique Danielle Bousquet. Là aussi, le chemin est long, car « la question n’est pas du tout considérée comme un sujet important en France. On est dans une situation déplorable en terme de moyens accordés aux associations ».
Le rapport soulignait la nécessité de « refonder les politiques publiques » face à la prostitution. La résolution juge « primordial que les politiques publiques offrent des alternatives crédibles à la prostitution et garantissent les droits fondamentaux des personnes prostituées ». Des droits garantis par les textes internationaux… reste à les appliquer en France, « et là, on n’a rien vu bouger ces deux derniers mois », déplore la députée.
C’est pourquoi l’unanimité des groupes politiques à soutenir la résolution a une réelle importance, estime Danielle Bousquet : « Lors de la discussion du texte, comme pour l’examen d’une loi, un représentant du gouvernement sera présent à l’Assemblée. Il sera interpellé par les députés et devra forcément prendre des engagements. »
Lire ici la proposition de résolution (en PDF). Le texte :
1 – Réaffirme la position abolitionniste de la France, dont l’objectif est, à terme, une société sans prostitution ; |
(1) Signataires : Jean-Marc Ayrault (PS), Martine Billard (Parti de Gauche), Marie-George Buffet (PCF), Yves Cochet (EELV), Christian Jacob (UMP), François Sauvadet (Nouveau Centre) et Marie-Jo Zimmermann (UMP).