…Le vent tourne. Les grands médias reprennent la lettre du « monstre sacré » éludant les agressions sexuelles. Mais celles qui dénoncent ces agressions commencent à être entendues. Et l’acteur est évincé de certains projets.
En publiant, le 1er octobre dernier, une « lettre ouverte» de Gérard Depardieu disant [sa] « vérité », le Figaro a joué un énième épisode de renversement de culpabilité abyssal.
L’acteur vedette est mis en examen pour viol depuis 2020. Une enquête de Médiapart puis d’autres médias ont révélé les témoignages d’une quinzaine de femmes ayant subi des agressions sexuelles de sa part. Mais il est toujours considéré comme un « monstre sacré », il chante Barbara même si les entrées de ses spectacles sont perturbées par des féministes.
Dans sa lettre ouverte, Gérard Depardieu requalifie les faits dont il est accusé avec des euphémismes -il ne fait que « vivre intensément le présent » ! Il soupçonne son accusatrice de vouloir se venger. Et, bien sûr, il accuse un supposé « tribunal médiatique » d’être contre lui alors que les grands médias relaient toujours bruyamment la défense – ou plutôt contre-attaque – des hommes puissants tandis que leurs victimes sont reléguées aux réseaux sociaux et à quelques paroles distanciées par des guillemets dans ces grands médias. Ça a été le cas avec Roman Polanski, Bertrand Cantat, PPDA, DSK, récemment Luc Besson… la liste est très longue et la démarche toujours la même
Lire : Tribunal médiatique : questionnons les questions
Dans cette « lettre ouverte » l’acteur ne fait pas dans la demi-mesure, ni dans la subtilité du renversement de culpabilité. Il n’hésite pas à se dire victime d’un « lynchage » et écrit « Je ne peux plus consentir à ce que j’entends, ce que je lis sur moi depuis quelques mois. Je croyais m’en foutre, mais non, en fait non. Tout cela m’atteint. Pire encore, m’éteint ». Et aussi : « Aujourd’hui, je ne peux plus chanter Barbara parce qu’une femme qui voulait chanter Barbara avec moi m’a accusé de viol. » La victime, c’est lui, l’accusatrice veut se venger… classique.
Mais cette fois-ci, il semblerait que cette stratégie pour faire pencher le « tribunal médiatique » de son côté commence à s’enrayer.
« Pas d’honneur pour les violeurs » scandent les féministes qui veulent en finir avec la tolérance accordée aux agresseurs. Lesquels, très souvent, reçoivent des prix, continuent de tourner des films tandis que leurs accusatrices voient, elles, leurs carrières s’effondrer.
Au lendemain du plaidoyer de Gérard Depardieu, le Parisien apprenait que l’acteur avait disparu du casting d’un grand film… A l’initiative du réalisateur manifestement. Puis l’agent de Depardieu a fait savoir que cette décision avait été prise d’un commun accord et que l’acteur avait décidé d’« arrêter de travailler » et de ne plus accepter aucun projet en raison du « contexte actuel ».
Autre nouveauté : la réponse de Charlotte Arnould, qui est à l’origine de la mise en examen de Gérard Depardieu en 2020, a été reprise par de nombreux médias. Interviewée par le magazine féminin Elle, l’actrice voit dans la tribune « une nouvelle stratégie » de communication de Gérard Depardieu, qui doit « se sentir acculé dans la perspective d’un procès ».
Elle dénonce : « C’est un message vraiment immonde : il m’a souillée en 2018 et d’une certaine façon, il continue de le faire par les mots ». Et pour répondre à celles et ceux qui brandissent le classique argument de la femme qui veut se venger, elle raconte les circonstances : « Lorsque je me rends chez lui, j’ai 22 ans, je pèse 37 kilos car je souffre d’anorexie et c’est un ami de mon père. (…) Et chez lui, au bout de 10 minutes, il a mis sa main dans ma culotte. Barbara n’a rien à faire dans tout cela, c’est lui qui est obsessionnel avec ça ! »
« Ne pas continuer le crime par le déni du crime.»
Anouk Grinberg
Mardi soir, un soutien important a, de nouveau fait parler les médias. L’actrice Anouk Grinberg a posté un message très émouvant sur X (ex-twitter) : « Charlotte, je SAIS que tu dis la vérité. Je le sais pour connaître le cristal que tu es, la lame de fer aussi, et je le sais pour connaître Depardieu, s’il est possible de dire qu’on connaît un homme qui ne se connaît plus. Sa célébrité, l’impunité ont ravagé son humanité. Il ferait mieux de se taire, et de demander pardon. Ne pas continuer le crime par le déni du crime. Avant de mourir, qu’il redevienne un homme. » Anouk Grinberg qui avait partagé l’affiche avec Depardieu dans « Merci la vie » de Bertrand Blier, en 1991 et l’avait retrouvé au cinéma en 2022 dans le film « Les Volets verts » de Jean Becker. Ses mots ont fait le tour des médias…
La honte ne change pas encore de camp. Mais l’échec de cette tentative de ramener « le tribunal médiatique » du côté de l’agresseur est encourageant.