Depuis que la gauche se gratte la tête pour trouver un·e Premier·e ministre, ce sont des noms de femmes qui sortent au milieu de combats de coqs. L’image de la femme sacrificielle n’est pas loin…
Une dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin. Quatre semaines avec la menace de voir l’extrême droite arriver au pouvoir. Un président qui se vante de jeter une grenade dégoupillée dans les jambes de ses adversaires, mais aussi de ses alliés politiques. Une gauche qui parvient à se rassembler et à proposer un programme au sein du Nouveau Front Populaire (NFP). Un NFP qui arrive en tête sans avoir la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Une quête de Premier ministre qui pourrait ne pas être renversé illico par une motion de censure… Le tableau ne donne pas très envie d’y aller.
Deux noms de femmes ont émergé
Dans cet incommensurable pétrin, deux noms sont sortis des conciliabules organisés entre leaders du NFP. Et, curieusement, alors que des visages d’hommes apparaissaient pour débattre sur les chaînes de télévision, ce sont des noms de femmes qui sont apparus. Il y a d’abord eu Huguette Bello, Présidente du département de la Réunion sous étiquette divers gauche proposée par LFI et le parti communiste. Mais le parti socialiste s’est opposé à cette candidature trop à gauche pour espérer faire consensus. Et en quelques heures, celle qui était prête à se dévouer a « décliné sans plus attendre l’offre qui [lui] était faite ».
Vint ensuite le nom de Laurence Tubiana avancé par le Parti socialiste. Celle qui fut, en 2015, l’architecte de l’Accord de Paris pendant la COP21 ne plaisait pas à LFI parce qu’Emmanuel Macron a voulu lui proposer d’être Première ministre en 2019. Plus à gauche que le président de la République, elle avait décliné à l’époque, ce qui devrait pourtant être un bon signe pour la gauche…
A l’heure où nous écrivons ces lignes, la candidature de Laurence Tubiana est toujours d’actualité. Cette économiste de 73 ans qui dirige la Fondation européenne pour le climat (ECF) depuis 2017, entre autres engagements pour le climat, a réussi à mettre d’accord 195 Etats en 2015. Elle devrait arriver à dompter les égos de quelques responsables politiques.
Au passage, les noms de ces deux femmes ont été jetées en pâture et beaucoup de commentaires désobligeants voire insultants ont été tenus en public. Ce qui rend la situation plus impossible encore pour les intéressées… et intimidante pour les femmes qui voudraient s’engager en politique.
Quand ça va mal…
Il est fascinant de voir que seuls des noms de femmes émergent quand la situation est complexe. Nous avons eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, quand un beau poste de pouvoir est à prendre, on n’entend que des noms d’hommes (voir plus bas). En revanche, quand la situation devient compliquée, on appelle les femmes au secours.
Elles finissent parfois par en rire. En 2011, lors de la primaire socialiste, Ségolène Royal plaisantait à propos des financements occultes des partis politiques : « Un bon coup de balai, et hop ! Il y aura du ménage à faire. Et ce n’est pas plus mal que ce soit une femme qui soit élue pour faire le ménage ». Valérie Pécresse s’est approprié ce cliché avec sérieux lorsqu’elle est devenue présidente de la région Île-de-France en 2015… « rien de tel qu’une femme pour faire le ménage » a-t-elle dit une première fois avant de reprendre l’expression à d’autres occasions.
Falaise de verre
Autre variante dans les cadeaux empoisonnés faits aux femmes : la falaise de verre. Un phénomène observé lors du remaniement ministériel qui a mis fin au mandat de Première ministre d’Elisabeth Borne : les femmes sont davantage promues lorsque les entreprises sont en crise. En haut de la falaise elles ne ménagent pas leurs efforts… mais finissent inéluctablement par chuter.
Quand les hommes veulent le pouvoir, c’est pour répondre à des ambitions personnelles. Mais on attend des femmes qu’elles se dévouent pour les autres. L’image de la femme sacrificielle n’est pas loin. Cet épisode est un nouvel avatar de la domination masculine toujours bien vivante : l’homme est sujet désirant, la femme est objet de désir et soldate du care- soin aux personnes-, elle se sacrifie pour les autres.
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Ajout le 17 juin : Sur BFMTV ce mercredi matin, Marine Tondelier, a assuré que ce serait une femme qui pourrait débloquer la situation. “Toutes les femmes que j’ai appelées, répondent”. – ‘Pourquoi ce sont des femmes d’ailleurs que vous appelez ?’ Moi, j’appelle les femmes parce que je pense que c’est une femme qui va débloquer cette situation. Et je pense qu’il y a des manières différentes de faire de la politique. Toutes les femmes me répondent la même chose 1/ je ne suis pas candidate 2/ ça va être un enfer quotidien, de chaque minute et de chaque seconde. Et à la fin elles me disent, ‘Mais moi, je ne me défilerai pas.’ Et je trouve que c’est très féminin ça aussi car c’est aussi le courage.”
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