Aucun parti ne construit son programme en fonction de l’impact féministe de chaque mesure proposée. C’est, sans surprise sur la droite que le sujet est le plus souvent zappé. Et l’extrême droite se repaît de mesures à impact négatif.
Le 9 juin prochain, le Parlement européen prendra un nouveau visage. Sera-t-il plus féministe qu’avant ? Il est permis d’en douter.
Nous avons épluché les programmes des candidats dans leur globalité : les propositions pour promouvoir l’égalité des sexes et renforcer les droits des femmes mais aussi toutes les propositions de politiques qui ont un impact sur l’égalité femmes-hommes et, surtout, les angles morts, les propositions absentes des programmes, sans lesquelles l’égalité entre femmes et hommes est peu probable.
Nous n’avons pas retenu les 38 listes mais seulement les sept obtenant plus de 5% dans les sondages, seuil nécessaire pour élire au moins un.e député.e. Mais nous évoquons le programme d’une « petite liste », « changer l’Europe » parce que, sans l’affirmer ainsi, ce programme est teinté de mesures féministes.
Dans les principales listes, la question féministe n’est pas centrale. A gauche et au sein de la majorité présidentielle, cette question fait l’objet d’une sous-section dans les programmes tandis qu’elle est absente chez Les Républicains (LR) et au Rassemblement National (RN) et clairement attaquée par Reconquête.
Le sujet invisible : la prostitution
Véritable angle mort des programmes, la prostitution n’est traitée dans aucun des sept projets. Cette question a été soulevée par la CLEF – Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes – lors d’un colloque qui s’est tenu samedi 25 mai au Sénat à Paris. Sa secrétaire générale, Mary Collins, l’a rappelé : la prostitution est un phénomène qui traverse les frontières puisque les réseaux de proxénètes s’étendent sur plusieurs pays. Elle a interpelé les candidat.e.s sur la nécessité d’une ligne européenne commune autour d’une coopération pour lutter contre le système prostitutionnel. Les candidates présentes -Kenza Athanasopoulos pour place publique et PS, Hélène Bidard pour le PCF, Leïla Chaibi pour l’Union populaire, Mélissa Camara pour EELV-Les Écologistes et Rachel Flore Pardo pour la Majorité présidentielle- se sont exprimées sur le sujet, mais le dossier reste absent de leurs programmes.
Des vœux pieux
A droite les programmes rivalisent de vœux pieux, à défaut de mesures concrètes. La majorité présidentielle met en avant le « pacte Simone Veil », une initiative prise en 2019, qui consiste à faire signer aux volontaires un engagement à promouvoir, à leur niveau, une liste de principes féministes dont l’accès des femmes à la contraception et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Une démarche qui traduit une volonté politique intéressante mais au final peu d’actions contraignantes.
Chez LR même goût pour la théorie non suivie de pratique : un projet de recherche sur les maladies cite l’endométriose en introduction de sa proposition… avant de l’oublier dans le paragraphe sur les mesures concrètes.
Mesures ouvertement féministes à gauche
A l’exception de « l’inscription de l’IVG dans la charte européenne des droits fondamentaux » écrit dans le programme de la majorité présidentielle, c’est seulement dans les programmes de gauche que l’on trouve des mesures estampillées « féministes »
Les partis de gauche sont les seuls à proposer une diplomatie féministe pourtant revendiquée (mais peu mise en œuvre) par la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Ces partis de gauche proposent aussi une définition européenne du viol s’appuyant sur l’absence de consentement et l’harmonisation par le haut des droits sociaux des Etats membres.
Le PS-Place publique revendique une « Europe féministe » et Raphaël Glucksmann, tête de liste, bataille pour en faire un sujet important de la campagne. (Lire : RAPHAËL GLUCKSMANN DÉNONCE LE MÉPRIS DES MÉDIAS POUR LES DROITS DES FEMMES)
La France Insoumise (LFI) est le seul parti à proposer de valoriser les métiers “féminins”, d’interdire la “taxe rose” et de prendre en compte les situations particulières des femmes migrantes souvent oubliées des politiques internationales. Europe Ecologie Les Verts (EELV) présente le programme le plus précis et ambitieux sur la question climatique à l’aube d’une crise dont les femmes seront les premières victimes.
Mesures à impact féministe
Les mesures indirectement féministes se trouvent dans les programmes des écologistes, des socialistes et des insoumis. Le PS et LFI veulent multiplier par deux les ressources du fond social européen ce qui profiterait grandement aux campagnes féministes de l’UE. Les deux listes proposent aussi un SMIC européen ce qui devrait être favorable aux femmes, toujours moins bien payées que les hommes.
Parmi les mesures « mitigées » d’un point de vue féministe, une proposition de la majorité présidentielle veut restreindre l’accès aux contenus en ligne aux mineurs de moins de 15 ans. Le but serait de les protéger de contenus pornographiques et d’installer un contrôle parental par défaut. Ceci afin de baisser le niveau de violences sexistes et sexuelles. Mais cette disposition va se heurter à la convention internationale des droits de l’enfants qui protège le droit à la vie privée. Et il faut peut-être plutôt légiférer du côté des émetteurs de contenus. Autre mesure mitigée : celle de LR qui veut créer une sorte de service militaire mixte.
Antiféministe
Les champions de l’antiféminisme sont, sans surprise, à l’extrême droite. Reconquête rassemble près de 70% des mesures anti féministes que nous avons recensées parmi lesquelles la sortie de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) ou la réorientation d’une partie significative des fonds européens vers une politique nataliste. LR et le RN le talonnent en s’attaquant aux réfugiés extra-européens sur leur logement (LR) et sur les aides au développement de leurs pays d’origine (RN). Quand les populations vulnérables sont attaquées les femmes sont les premières victimes.
Réduction du temps de travail ?
Les propositions féministes se nichent souvent dans de plus petites listes. « Changer l’Europe » menée par le député Européen Pierre Larrouturou contient des mesures indirectes favorable à l’égalité comme la réduction du temps de travail (la semaine de 32 heures) qui permettrait aux hommes autant qu’aux femmes de dégager du temps pour la vie familiale et domestique, ce qui est une première étape vers l’égalité. La liste propose aussi des mesures directes contre les violences sexistes et sexuelles s’inspirant du modèle espagnol… Mais il semble y avoir une corrélation (ou une causalité ?) entre féminisme et petite liste.
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