La sénatrice demande la destitution de Georges Tron condamné pour viol, le ministre de la Justice s’y oppose avec des arguments d’avocat.
« Hérésie » c’est le mot employé par le garde des Sceaux pour répondre à la demande, légale, de destitution du maire de Draveil formulée par la sénatrice Laurence Rossignol. Ce maire, Georges Tron, a été condamné pour viol et agression sexuelle, à 5 ans de prison dont trois fermes pour viol et agression sexuelle en réunion. Il a certes formé un pourvoi en cassation, mais l’ article L2122-16 du Code général des collectivités territoriales prévoit que « le maire et les adjoints […] ne peuvent être révoqués que par décret motivé pris en Conseil des ministres. » La sénatrice estimait que la demande de destitution du maire était motivée par la « perte de l’autorité morale nécessaire à la fonction. » Manifestement, le gouvernement ne partage pas cette vision et le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui a été l’avocat de Georges Tron, a plaidé l’inverse lors d’une séance de questions d’actualité au Sénat le 17 mars.
« Ne pensez-vous pas que viol et agression sexuelle en réunion pourraient tout à fait être qualifiés de faits privant l’élu de l’autorité morale nécessaire pour exercer ses fonctions ? Vous avez le pouvoir de démettre ce maire en conseil des ministres. Qu’attendez-vous pour le faire ? » a demandé la sénatrice et ex-ministre en charge des droits des femmes.
Réponse outrée du garde des Sceaux : « Les oppositions en demandent beaucoup à l’exécutif ! Elles demandent à l’exécutif d’intervenir dans le cadre de décisions juridictionnelles qui dépendent exclusivement de magistrats indépendants » et d’évoquer, avec de grands effets de manche, la « présomption d’innocence » en raison du pourvoi en cassation de Georges Tron avant de continuer : « Il se débrouille avec sa conscience. Vous demandez à l’exécutif d’intervenir là-dedans ? Mais franchement, quelle hérésie ! »
Une hérésie est selon le dictionnaire « une Idée, théorie, pratique qui heurte les opinions communément admises. » L’opinion communément admise serait donc qu’un maire condamné pour viol reste une « autorité morale » selon le gouvernement.
Alors Laurence Rossignol a haussé le ton : « je n’aurais jamais cru que le gouvernement envoie pour me répondre l’avocat de Georges Tron, celui qui a traité de menteuses les victimes pendant tout le procès et qui continue aujourd’hui de les traiter de menteuses en arguant de la présomption d’innocence ! » Applaudissements nourris dans la chambre haute.
Intervention du président du Sénat : « On ne prend pas à question pour des faits personnels, je le rappelle à l’ensemble des sénateurs, c’est un principe qu’il convient de respecter ! », et Gérard Larcher s’est tourné vers Éric Dupond-Moretti qui agitait ses bras : « Monsieur le garde des Sceaux, c’est moi qui préside ! »
Interviewé par Public Sénat, Laurence Rossignol a élargi le propos : « Je pense que ce quinquennat a un problème avec les hommes de pouvoir mis en cause dans des affaires de violences sexuelles à l’encontre des femmes. » Allusion des nominations très contestées dans ce gouvernement (voir plus bas)
Public Sénat a réalisé cette vidéo qui reprend les vifs échanges
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