Désinformation dans « Face à BFM » : la journaliste de BFM et la ministre de la Culture accusent, à tort, Marine Tondelier de ne pas dénoncer la violence et les appels à la haine d’une chanson rap, et réécrivent l’affaire Orelsan. Le féminisme encore instrumentalisé.

Mercredi 3 juillet, le débat préalable au deuxième tour des élections législatives a été remplacé par une soirée « face à BFM » au cours de laquelle se sont succédé des représentant·es des trois formations politiques candidates.
Cette conversion d’un débat en une succession d’interviews a été exigée par Jordan Bardella, le président du parti d’extrême droite Rassemblement National (RN), qui refusait de débattre avec Marine Tondelier représentant le Nouveau Front Populaire. La secrétaire Nationale des Ecologistes, élue dans une ville tenue par le RN, pouvait être une redoutable adversaire pour lui. (Lire : Marine Tondelier défie Jordan Bardella et d’autres hommes politiques)
Attaques à propos d’un clip de rap
Mais quand Marine Tondelier a été interviewée, les journalistes se sont transformés en débateurs. Apolline de Malherbe, la journaliste de BFM, a focalisé ses questions, ou plutôt ses attaques, sur le clip d’un groupe de rap contre le FN. Un clip plein de propos violents, haineux, misogynes, que Marine Tondelier a illico condamnés sans ambiguïté. Mais la journaliste s’acharnait à lire avec gourmandise les horreurs proférées dans la chanson, laissant entendre que Marine Tondelier approuvait, lui reprochant de ne pas être allée attaquer en justice les auteurs de la chanson sortie le jour même…
Le SMS de Rachida Dati
Quand soudain, la journaliste a lu un SMS qu’elle venait de recevoir de Rachida Dati. Celle qui est encore Ministre de la Culture, reprochait à Marine Tondelier de ne pas protester davantage alors que, selon son message non vérifié par BFM, « à une autre époque les féministes de gauche avaient poursuivi et fait condamner Orelsan considéré de droite ».
Rien n’est exact dans ce SMS. Le rappeur avait été poursuivi par cinq associations féministes apolitiques mais il n’a pas été condamné…. Dire qu’Orelsan est « considéré de droite » n’est pas un élément qui apparaissait à l’époque. Les cinq associations accusatrices dénonçaient des paroles comme « les meufs c’est des putes », « ferme ta gueule ou tu vas t’faire marie-trintigner (…) » -entre autres horreurs- claironnées par le chanteur en 2009.
En première instance, Orelsan avait été reconnu coupable de « provocation à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur sexe ». Mais il a été relaxé en appel en 2016, les juges invoquant la « liberté d’expression. »
Quand Frédéric Mitterrand comparait Orelsan à Rimbaud
Mais surtout, Rachida Dati oublie qu’à l’époque, alors qu’elle était ministre de la Justice, le gouvernement auquel elle appartenait, défendait Orelsan. Celui qui était ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, l’avait comparé à Rimbaud… Nous le rappelions, lors du décès de l’ex-ministre de la Culture (lire : Mort de Frédéric Mitterrand : hommages contestés).
Mémoire courte… Rachida Dati est donc intervenue dans une interview de Marine Tondelier pour lui mettre sur le dos une haine sexiste qu’elle-même pourrait combattre en tant que ministre de la Culture.
Marine Tondelier a dénoncé la diversion : « Est-ce qu’on peut arrêter dans cette campagne de faire diversion. Dans 5 jours on aura peut-être l’extrême droite au pouvoir, et je viens de passer 15 minutes à parler d’un clip de rap que je n’ai pas vu et que je viens de condamner. »
Une dénonciation de diversion contestée par Apolline de Malherbe… Qui n’a par la suite, pas posé de question à Jordan Bardella sur des groupes de métal identitaires qui diffusent des messages haineux…
Inversion de culpabilité
Mais ce jeudi matin, la désinformation continue. Parce que Marine Tondelier a dit : «Les codes du rap sont comme ça : violents pour les femmes. C’est violent sur pleins de sujets, c’est la culture du rap qui est comme ça». Certains journaux -très à droite-font mine de considérer qu’elle approuve ces codes. Elle fait un constat. Non seulement ce qu’elle dit est simplement factuel et ne vaut pas approbation, mais la jurisprudence Orelsan encourage cette culture du rap violente en la considérant comme de la liberté d’expression.