Réformer le quotient conjugal – l’impôt payé en couple – pour favoriser l’emploi des femmes ? S’appuyant sur un rapport, Najat Vallaud-Belkacem relance ce projet. Déjà plusieurs fois évoqué, et aussi souvent remisé.
Des propositions « détonantes » pour l’emploi des femmes. C’est le regard que portent Les Echos jeudi 12 décembre sur un rapport remis par l’économiste Séverine Lemière à la ministre des Droits des femmes.
Ce document de 178 pages (à télécharger ici), qui compte pas moins de 96 préconisations, insiste sur le rôle des politiques publiques dans les inégalités entre hommes et femmes dans le domaine de l’emploi. Et sur «?l’accès à l’emploi, notamment des femmes les plus éloignées du marché du travail », qui « semble avoir été oublié?».
De fait, sa proposition la plus « détonante » concerne la fiscalité : elle souligne le rôle négatif de la conjugalisation de l’impôt. Le quotient conjugal, qui consiste pour un couple (marié ou pacsé) à mutualiser ses impôts, est une spécificité française, et ce système d’imposition a tendance à décourager le travail des femmes, car c’est l’inégalité salariale dans le couple qui le rend avantageux. Or c’est bien souvent l’homme qui gagne davantage.(Par exemple, un couple dont les deux membres gagnent 1500 €/mois paie plus d’impôts qu’un couple dans lequel l’homme seul travaille et gagne 3000 €)
Et dans un entretien aux Echos, ce même jour, la ministre des Droits des femmes ne ferme pas la porte à une réforme de ce quotient conjugal : pour Najat Vallaud-Belkacem, « c’est une dimension essentielle et un enjeu à part entière de la remise à plat de la fiscalité » annoncée par le Premier ministre. Il ne s’agirait sans doute pas pour autant de renoncer au quotient conjugal en allant jusqu’à individualiser l’impôt, mais de le moduler pour favoriser l’emploi des deux membres du couple. Ou de plafonner l’avantage du quotient conjugal, comme le gouvernement l’a déjà fait pour le quotient familial.
Individualiser l’impôt, réforme impossible ?
Ce positionnement n’est pas tout à fait nouveau. Nous le relevions déjà il y a un an, entre les lignes des conclusions du Comité interministériel aux droits des femmes, où on pouvait lire : « Un examen particulier doit être fait des modèles scandinaves dans lesquels les incitations fiscales à la progression des revenus du deuxième apporteur de ressources sont beaucoup plus fortes qu’en France. » (Voir : Une « révolution fiscale » pour l’emploi des femmes ?)
Mais aller jusqu’à individualiser l’impôt, comme dans les pays scandinaves, voilà qui serait trop révolutionnaire pour la France : c’est le constat que dressaient en décembre 2011 les députés Michel Heinrich (UMP) et Régis Juanico (PS), dans le cadre d’une vaste évaluation des performances des politiques sociales en Europe. Une réforme impossible, dans la mesure où le quotient conjugal est l’un des piliers de la politique familiale française depuis plus de 50 ans, jugeaient les parlementaires. Quand bien même, estimaient-ils au vu de l’exemple suédois, l’individualisation de l’impôt « s’avère particulièrement efficace pour l’emploi des femmes ».
Le sujet est d’ailleurs régulièrement évoqué pour être ensuite remisé en attendant des jours meilleurs. Plusieurs économistes plaident depuis des années pour une remise en cause du quotient conjugal, et le Parti socialiste a failli se laisser tenter lors de la dernière campagne présidentielle, avant de faire marche arrière. Nous le relevions en janvier 2012.
Photo : Najat Vallaud-Belkacem le 10 décembre 2013 devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale
Lire aussi dans Les Nouvelles NEWS
Politique familiale : choc de cultures UMP / Terra Nova (Juillet 2011)
http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/civilisation-articles-section/civilisation/1252-politique-familiale-choc-de-culture-ump-terra-nova12