Meurtre d’Alexia Daval, affaire Darmanin, harcèlement… Ceux qui parlent le plus fort requalifient les faits comme ça les arrange. La bataille de la parole sera rude.
La parole, c’est le pouvoir ! Pouvoir de définir ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas, ce qui est exemplaire et ce qui est honteux. Et c’est celui ou celle – mais le plus souvent celui – qui parle le plus fort qui dessine le monde.
Quand le mari d’Alexia Daval, Jonathann, a avoué le meurtre de son épouse, le discours médiatique s’est calé sur celui qui a parlé le premier, le plus vite, le plus fort devant les micros : l’avocat du mari. Et les médias ont repris en boucle ses phrases laissant penser que la victime ne l’était pas tout à fait et que le meurtrier présumé était lui aussi une pauvre victime.
Avant les aveux, Alexia était une merveilleuse épouse lâchement assassinée pendant son jogging matinal par un monstre introuvable. Après, elle était une dominatrice qui rabaissait son mari et prenait des médicaments qui la déstabilisaient. Au passage, les pratiquantes de course à pied avaient été priées de comprendre qu’elles prenaient des risques – alors que les chiffres montrent que la majorité des auteurs de violences sexuelles et féminicides sont des proches des victimes.
Face au torrent de requalification des faits par l’avocat, et les médias qui l’ont repris, la procureure, qui s’est exprimée après lui, a eu bien du mal à imposer le terme de « meurtre sur conjoint ».
Celles et ceux qui dénoncent ces requalifications de meurtres ont tenté de se faire entendre. Parmi ces voix, celle de la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, dont certains guettent les faux pas. Elle a été reprise par les médias. Disqualifiée ! Dès ce jeudi matin, sur France Inter, Christophe Castaner délégué général de LREM, a martelé qu’ « un ministre n’a pas à commenter une affaire judiciaire. »
« Et l’affaire Darmanin ? » se sont empressées de rétorquer des féministes sur les réseaux sociaux. Gérald Darmanin est visé par une plainte pour viol. Il est très difficile de savoir si la qualification de viol sera retenue mais le ministre de l’Action et des comptes publics n’a pas démenti avoir donné, en 2009, un coup de pouce judiciaire à la plaignante en échange d’une relation sexuelle. Et le président de la République, le Premier ministre une bonne partie de l’Assemblée nationale lui ont témoigné leur confiance…
Ce n’est qu’en parlant haut et fort des féminicides et du harcèlement, sans transformer les victimes en coupables, que ces fléaux pourront reculer. Aujourd’hui, l’Association contre les violences faites aux femmes au travail croule sous les demandes et ne peut y répondre, faute de moyens. Parce que la parole s’est libérée et que les victimes se sentent suffisamment comprises pour se battre contre leurs agresseurs. Mais dans le même temps la réponse de l’État apparaît insuffisante.
C’est sur toutes les tribunes que les femmes doivent prendre la parole. Les journalistes ont raison de continuer à se battre pour occuper les postes de direction. Les hommes qui fuient les tribunes qui ne font pas assez de place aux femmes servent la cause. Partager la parole, c’est partager le pouvoir.
P.S. : Agir par la parole, c’est le seul moyen d’en finir avec les inégalités, c’est ce que nous faisons dans nos formations, c’est ce que nous faisons dans ce journal en ligne. Avec de tous petits moyens car les rares investisseurs, dans la presse, s’auto-persuadent que l’égalité entre hommes et femmes est acquise et ne voient pas l’intérêt de notre ligne éditoriale. Nous ne pouvons compter que sur vos abonnements, sur vos dons et sur votre participation aux formations pour continuer. Merci