Les références à l’avortement et à l’éducation à la sexualité, dans la proposition de résolution d’Edite Estrela sur les droits génésiques, ont effrayé les eurodéputés de droite, qui ont rejeté le texte. La gauche déplore une défaite des droits des femmes.
«Le PPE [parti populaire européen, centre/droite] allié à l’extrême droite viennent de gagner contre les droits et libertés des femmes ». C’est ainsi que l’eurodéputée Corinne Lepage déplore sur Twitter le rejet de la proposition de résolution sur la santé et les droits sexuels et génésiques.
Le texte de l’eurodéputée portugaise socialiste Edite Estrela avait pourtant reçu l’aval de la commission des droits des femmes. Mais une courte majorité (334 voix contre 327, et 35 abstentions) des députés européens réunis en séance plénière à Strasbourg s’est prononcée mardi 10 décembre pour une résolution alternative, qui renvoie aux Etats membres toute décision sur l’avortement et l’éducation sexuelle. Ce qui équivaut à un rejet du texte. Edite Estrela, dénonçant « l’hypocrisie et l’obscurantisme », a demandé à ce que son nom ne soit plus associé à cette version.
Le 24 octobre, déjà, un blocus des députés de droite du parlement avait conduit au report du vote (Voir : « Guerre aux femmes » à la droite du Parlement européen). Edite Estrela dénonçait alors « une grande mobilisation des forces les plus conservatrices ».
Opposition coordonnée
Son texte était un projet de résolution, sans force législative, qui ne faisait que fournir des recommandations aux Etats membres. Il les invitait à assurer une éducation à la sexualité, à garantir des services d’IVG « légaux, sûrs et accessibles à toutes dans le cadre des systèmes de santé publics des États membres » et à « permettre aux femmes célibataires et lesbiennes de bénéficier de traitements de fertilité et de services de procréation médicalement assistée ». Trois sujets qui lui ont valu une opposition coordonnée, en particulier de la part de mouvement religieux.
Les parlementaires ont été submergés de courriers les invitant à rejeter le texte, sans hésiter à jouer de la désinformation (la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe dépeignait ainsi l’éducation à la sexualité comme une apologie de la masturbation enfantine). En France, des eurodéputés comme Rachida Dati rejouaient alors le match du « mariage pour tous » et y voyaient une nouvelle offensive de la « théorie du genre ». Les eurodéputés socialistes français « s’insurgent contre une campagne de lobbying agressive, mensongère et sans précédent, qui aura eu pour résultat d’empêcher le vote d’une résolution progressiste ».
La résolution alternative adoptée ce 10 décembre évacue les propositions contenues dans le texte d’Edite Estrela, en soulignant que « la définition et la mise en œuvre des politiques relatives aux [droits sexuels et reproductifs] et à l’éducation sexuelle dans les écoles relèvent de la compétence des États membres ».
Photo : Edite Estrela au Parlement européen le 10 décembre 2013