En racontant l’amitié entre Rosa Bonheur et Buffalo Bill, Natacha Henry montre comment les passions et les solidarités permettent de repousser les limites imposées aux femmes.
Natacha Henry, ne pouvait pas laisser oublier l’artiste féministe Rosa Bonheur et sa tendre amitié avec Buffalo Bill. Co-autrice de « dites-le avec des femmes » écrit en 1998, elle veut sortir les femmes de l’invisibilité et des stéréotypes de féminité dans lesquels trop d’historiens et de médias les enferment. Ses derniers ouvrages racontent Marie Curie. La célèbre scientifique trop souvent présentée comme austère, est romanesque et drôle sous la plume de Natacha Henry.
Pour raconter Rosa Bonheur, elle nous ramène en 1889. La peintre animalière reconnue et saluée pour son talent exceptionnel depuis qu’elle a appris à peindre avec son père, peut s’affranchir de toutes les tutelles et conventions et vivre avec son amie Nathalie. Convaincue que « le génie n’a pas de sexe » elle a conquis des galeristes d’art, des collectionneurs. Mais, alors qu’elle a plus de 60 ans et vit le deuil de son amie, Rosa Bonheur découvre, en lisant un journal, que le célèbre Buffalo Bill soldat, pionnier, cow-boy émérite et grand chasseur de bisons doit arriver en France avec tout son barnum pour le Wild West Show. Elle voit là une occasion unique de dessiner des bisons, des chevaux et même des indiens…. Et William Cody appelé Buffalo Bill. Il connait les œuvres de Rosa Bonheur et est très heureux qu’elle vienne dans les coulisses de son show pour peindre. Un océan sépare pourtant l’artiste et l’aventurier. Il vient du nouveau monde, est va-t-en-guerre et apologue de la liberté individuelle, elle est pacifiste et égalitariste. Mais ils s’admirent et se respectent mutuellement. Leur tendre amitié, visible sur les tableaux de Rosa Bonheur ne s’éteindra jamais.
Trois questions à Natacha Henry
LNN : Les femmes sont peu visibles dans l’Histoire, quelle place les récits de vie de femmes ont-ils dans le paysage littéraire?
Personnellement, je ne crois pas aux héroïnes solitaires ; tous mes livres, contemporains ou historiques, tendent vers un thème : quelle solidarité contre les limites imposées, à un moment de l’Histoire ? Quelles solutions face aux empêchements ? Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre d’où vient l’aide dont on a besoin pour que notre vie ressemble à ce que l’on veut en faire. Nous, aujourd’hui, et les femmes des temps passés.
LNN : Comment choisissez-vous les femmes sur lesquelles vous allez écrire ?
Mon livre précédent, Les Sœurs savantes, décrivait l’union entre Marie Curie et sa sœur Bronia Dluska. Elles se sont soutenues pour quitter Varsovie, où les filles n’avaient pas le droit d’étudier, et venir à Paris. Celui-ci montre comment Rosa Bonheur (1822-1899) s’est remise à peindre. Je choisis des femmes obsédées par leur vocation, très ancrées dans le travail. Capables de soulever des montagnes pour y arriver, et entourées de gens qui les encouragent. Des parcours courageux, chaleureux, positifs.
LNN : Pourquoi raconter Rosa Bonheur à travers son amitié avec Buffalo Bill ?
En juin 1889, Rosa Bonheur perd Nathalie Micas, avec laquelle elle vit depuis un demi siècle. Terrassée par le désespoir, elle arrête de peindre. Mais Buffalo Bill est à Paris, venu présenter son Wild West Show à l’Exposition universelle. Leur rencontre est provoquée par les galeristes de Rosa Bonheur ; leur entente est fulgurante, bouleversante, profonde. Il m’a fallu deux ans de recherches pour comprendre comment s’étaient cimentés leurs sentiments. Et j’ai même appris que Buffalo Bill était favorable au droit de vote des femmes !
Rosa Bonheur et Buffalo Bill, une amitié admirable, Natacha Henry, ed. Robert Laffont