La chaîne C8, condamnée pour des séquences sexistes dans « Touche pas à mon poste » vient d’être déboutée par la CEDH. Ce qui paraît presque évident aujourd’hui est le fruit de dures batailles judiciaires féministes.
La chaîne C8 aura épuisé tous les recours juridiques pour faire croire que le sexisme est une forme de liberté d’expression, mais elle a eu tort. La Cour Européenne des Droits de l’homme (CEDH) l’assure : les dérapages de Cyril Hanouna dans son émission ne relèvent pas de la liberté d’expression.
L’histoire remonte à 2016. Une force juridique rassemblant la Fondation des femmes et trois associations – Osez Le Féminisme, le CFCV et L’AVFT- saisit le CSA (devenu depuis Arcom), qui reçoit aussi plus de 3.500 plaintes l’appelant à sanctionner la chaîne C8. Dans son émission Touche pas à mon poste l’animateur, Cyril Hanouna, avait amené une des chroniqueuses, qui avait les yeux fermés, à poser la main sur son sexe.
Le CSA avait alors imposé une sanction à C8 : une suspension des coupures publicitaires, avant, pendant et après l’émission, pour une durée de deux semaines. C’était la première fois que le gendarme de l’audiovisuel dégainait sa sanction la plus importante pour des comportements sexistes : la suppression de recettes publicitaires.
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Une sanction que la chaîne avait contestée devant le Conseil d’Etat sans succès. Raté ! L’argumentation contre C8 montait d’un cran. Le CSA avait avancé un argument timide pour justifier sa sanction : la chaîne de télévision du groupe Bolloré n’avait « pas respecté ses obligations en matière d’image des femmes et de lutte contre les stéréotypes et les violences ». Le Conseil d’Etat en avait rajouté déplorant : cette séquence « ne peut que banaliser des comportements inacceptables, qui sont d’ailleurs susceptibles de faire l’objet, dans certains cas, d’une incrimination pénale », et « tend à donner de la femme une image stéréotypée la réduisant à un statut d’objet sexuel. »
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C8 a alors saisi la CEDH qui en rajoute à son tour. Pour les magistrats européens les sanctions reposent « sur des motifs pertinents et suffisants.» Les séquences litigieuses n’ont, selon la juridiction européenne, « en aucune manière contribué à un débat d’intérêt général », et ne contenaient « aucune information, opinion ou idée » nécessitant une protection particulière. Au contraire, la juridiction pointe les « manquements répétés » de C8 « à ses obligations déontologiques ». Elle ajoute qu’elle « considère que la mise en scène du jeu obscène entre l’animateur vedette et une de ses chroniqueuses ainsi que les commentaires graveleux que celui-ci a suscité véhiculent une image stéréotypée, négative, et stigmatisante des femmes ».
Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques à la Fondation des Femmes se réjouit de cette décision de justice : « Faire progresser les droits des femmes dans la jurisprudence c’est la mission que nous nous sommes données avec la Force juridique de la Fondation des Femmes. Pour faire émerger un environnement favorable à l’égalité entre les femmes et les hommes, il faut lutter contre toutes les représentations dégradantes à l’égard des femmes et les stéréotypes sexistes qui sont le terreau des inégalités. »