Le culte de maigreur est de retour, encouragé par des influenceuses sur TikTok qui capitalisent sur les troubles alimentaires des internautes, en très grande majorité des jeunes femmes, qui les suivent.

« Ce n’est pas la génétique, c’est ce que tu manges », « ton estomac ne gargouille pas, il t’applaudit » ou encore « Tu n’es pas moche, tu es juste grosse ». Ce genre de commentaires culpabilisateurs et, surtout, dangereux pullulent sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, où est né une nouvelle tendance : le « SkinnyTok ».
Capitaliser sur les troubles alimentaires
Sur le réseau social, le hashtag #Skinny comptabilise 594.5K publications. Dans la quasi totalité des vidéos, des femmes se filment et exposent leur corps, maigre : joues creusées, clavicule ultra marquée, côtes saillantes, taille XXS. Les commentaires qui figurent sous ces vidéos, où des utilisatrices expriment leur envie de ressembler à ces jeunes femmes, sont tout aussi alarmants.
Des influenceuses surfent sur la vague du succès du skinny tok et capitalisent sur ce discours problématique. C’est le cas de Liv Schmidt. Avant d’être bannie en septembre 2024 de TikTok, cette américaine de 23 ans était suivie par plus de 600.000 abonnées. Elle fonde même la Skinny Société qui, pour 10 à 20 dollars par mois, propose des photos mais également des programmes de nutrition et des entraînements. Si elle assure promouvoir un mode de vie prétendument « sain », ses programmes sont conçus pour perdre du poids rapidement, inconsciemment, afin d’être la plus mince possible. Malgré leurs dangers, ces régimes infondés séduisent et la Skinny Société compte 6.500 abonnés payants, ce qui rapporte à l’influenceuse américaine près de 130.000 $ par mois, comme le révèle le magazine Air Mail.
Les dangers du « summer body »
À l’approche de l’été, les injonctions à la minceur et au « Summer body » s’accentuent et sont partout : pub, magazines et réseaux sociaux. Une étude parue dans la revue scientifique danoise Journal Of The Academy Of Nutrition And Dietetics, partagée par Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB), association de spécialistes des troubles alimentaires, explique que le risque d’être concerné par un trouble alimentaire augmente de 2,2 à 2,6 fois plus chez les jeunes après une importante exposition aux réseaux sociaux. « TikTok fonctionne selon une modalité addictive. Ses algorithmes proposent de brèves vidéos qui s’enchaînent à l’infini et créent un effet de répétition quasi-hypnotique. Une simple recherche suffit pour tomber sur des milliers de publications valorisant la restriction calorique, la culpabilisation après avoir mangé, ou la glorification de la maigreur », dénonce la FFAB dans un communiqué paru le 5 mai 2025.
En France, les troubles des conduites alimentaires (TCA) concernent près d’un million de personnes. L’anorexie mentale touche environ 1% des femmes et 0,3% des hommes, la boulimie 1,5% des femmes et 0,5% des hommes et l’hyperphagie boulimie concerne environ 3% des femmes et 1,5% des hommes. L’anorexie touche en grande majorité des adolescentes, entre 12 et 18 ans. Sur son site internet, la FFAB alerte : « Chez les adolescentes, une perte de poids de 10% ou plus, des variations brutales de poids et de comportement, une aménorrhée, une préoccupation excessive autour de l’image du corps, de l’alimentation et de la diététique, ainsi qu’une mauvaise estime de soi, doivent être considérés comme des signes d’appel d’un comportement anorexique ou boulimique ». Trop souvent, les personnes concernées ne sont pas diagnostiquées.
Des skyblogs pro-ana au #SkinnyTok
Les injonctions à la minceur diffusées sur internet ont la peau dure. Dans les années 2000, déjà, des skyblogs pro-ana glamourisent l’anorexie. La tendance du skinny tok en est la résurgence. Mais déjà en 2023, le #OzempicChallenge, faisait la promotion d’un médicament permettant la perte rapide de poids. Il y a quelques mois, c’était le « Thigh Gap Challenge » qui était viral, où des jeunes filles tentaient d’avoir le plus d’espace possible entre leurs deux cuisses. La journaliste Constance Vilanova, qui a grandi au début des années 2000 réalise « qu’aucune des filles de [sa] génération n’a été épargnée », réalise-t-elle dans un post Instagram. « Les images façonnent notre regard. Parce qu’être noyée sous des photos de corps malades fait mal aux adolescentes qui portent déjà tout le poids du monde sur leurs petites épaules. Parce qu’elles déchirent aussi toute une génération qui pensait être sortie de cet enfer. On méritait beaucoup mieux que la minceur extrême. Les adolescentes de 2025 méritent mieux que #skinnytok », alerte-elle.
En France, les politiques commencent à prendre conscience des dangers de ce phénomène. En avril 2025, Clara Chappaz, ministre française de l’Économie numérique, a signalé les dangers du skinny tok auprès de l’Arcom et de la Commission européenne. Le 1er juin 2025, le hashtag a été supprimé. Désormais, lorsque l’on recherche « #SkinnyTok » sur TikTok, un message de prévention s’affiche.

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