Ce lundi 12 mai, la députée Sandrine Josso a remis à la ministre Aurore Bergé un rapport gouvernemental sur la soumission chimique. 50 recommandations pour mettre en place davantage de prévention et améliorer la prise en charge et l’accompagnement des victimes.

Le procès des viols de Mazan a mis un coup de projecteur sur ce fléau encore trop méconnu : la soumission chimique. La députée MoDem Sandrine Josso, elle-même victime de soumission chimique par le sénateur Horizons Joël Guerriau en 2023, a pris le problème à bras le corps et a remis un rapport gouvernemental à la ministre chargée de l’Égalité Aurore Bergé.
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« Un crime parfait »
« La soumission chimique n’a pas d’âge et touche toutes les tranches de la population. Ça commence à la naissance et se termine à la mort. », insiste Sandrine Josso dans une interview accordée au journal Libération. Avec ce rapport, co-construit avec la sénatrice Véronique Guillotin, la députée a pour ambition de cerner les contours de ce qu’elle nomme le « crime parfait » afin de mettre les moyens nécessaires pour le combattre.
Une première estimation : 1.229 cas de soumission et de vulnérabilité chimiques vraisemblables ont été comptabilisés par le Centre de référence des agressions facilitées par les substances pour l’année 2022. « Les victimes elles-mêmes ne le soupçonnent souvent pas et attribuent leurs symptômes à d’autres pathologies, observe Aurore Bergé, citée par Libération : Cette réalité est si angoissante qu’on la met instinctivement à distance ». Pourtant, la soumission chimique est largement utilisée par les agresseurs, qui en viennent même à se partager leurs méthodes et conseils sur des canaux de discussion en toute impunité. « Ce mode opératoire est amplifié par le virtuel. Il facilite l’échange d’infos et techniques entre prédateurs. Le mode opératoire est de plus en plus sophistiqué, prémédité et sériel », alerte Sandrine Josso.
Avec ce rapport gouvernemental, le but est clair : aboutir à un projet de loi. Pour consolider leurs recommandations, la députée Sandrine Josso et la sénatrice Véronique Guillotin ont sollicité l’association #MendorsPas, dont Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot, est la présidente-fondatrice. Cette dernière se joint aux revendications des deux femmes politiques et, dans un communiqué, appelle les pouvoirs publics à se saisir rapidement des recommandations de prévention.
Engager les moyens nécessaires
Être victime de soumission chimique, c’est aussi être confrontée à l’errance médicale. Une épreuve amplifiée en zone rurale et en outre-mer, note le rapport. Aurore Bergé tient donc à insuffler un véritable changement. Parmi les 50 amendements du rapport gouvernemental, une possible levée du secret médical dans les cas de violences sexuelles est évoquée. « Dans le cas de la soumission chimique, il ne s‘agit pas de protéger qu’une seule victime, mais aussi toutes les autres victimes potentielles. », estime la ministre avant d’ajouter : « Il faut respecter le temps des victimes. Actuellement, 60 hôpitaux expérimentent un protocole de recueil de preuves en l’absence de plainte. J’y vois un bienfait pour les victimes, mais aussi pour les soignants, qui ne peuvent aller au bout de la démarche de protection des preuves et donc des victimes. Pour la justice, cela ouvre aussi la possibilité de confondre des auteurs, souvent récidivistes… ». À cela s’ajoute une nécessaire amélioration de l’accompagnement des victimes, qui passe d’abord par une généralisation d’une prise en charge psychologique. « Dans les cas de soumission chimique, la particularité est qu’une victime sur deux ne se souvient plus de rien. Pour elles, c’est l’enfer du doute. Pour ces situations très particulières, il faut un accompagnement spécifique rapidement après l’agression, sinon, le psychotraumatisme s’installe. », déplore la députée.
Si la vulnérabilité chimique est déjà considérée comme circonstance aggravante, « les choses ne sont pas assez clairement écrites », juge Sandrine Josso : « On a donc travaillé avec des avocats pour intégrer au code pénal la circonstance aggravante « pour la victime en cas d’état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants » aux infractions d’agressions sexuelles et de viols, comme cela a été fait en 2018 pour la soumission chimique. Aujourd’hui, une victime peut encore s‘entendre dire que si elle a été violée, c’est parce qu’elle avait bu. C’est inacceptable. La responsabilité doit être mise sur l’agresseur. ».
Enfin, dans ce rapport, l’accent est mis sur la formation. « Il faut former plus : forces de l’ordre, magistrats, soignants… », détaille Aurore Bergé. Sandrine Josso ajoute : « Ces formations doivent aussi concerner les travailleurs sociaux, pompiers, toute personne susceptible de rencontrer des victimes suspectées ou avérées. ». Pour répondre à ce besoin de formation, dans le but de combler les lacunes actuelles dans la prévention et de mettre en place un véritable accompagnement des victimes, la ministre s’engage lors de son interview à Libération : « Sur la soumission chimique, on ne peut se contenter de communiquer sans tenir compte du fait que cela va engendrer plus de demandes pour recueillir des preuves, déposer plainte, et c’est tant mieux. Il va falloir déployer les moyens adaptés comme on le fait depuis 2017 ». Face à l’urgence d’agir contre la soumission chimique, véritable enjeu de santé publique, l’assurance maladie prendra en charge les analyses toxicologiques, même sans plainte, dans trois régions, dont un territoire d’outre-mer, à partir de juillet 2025. Une expérimentation que la députée Sandrine Josso souhaite généraliser en 2026.
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