Quand l’Ifop réalise pour Marianne un sondage sur les « tenues correctes » des filles, les questions posent plus de problèmes que les réponses.
Si le journal Marianne voulait rappeler que le corps des filles -mais pas celui des garçons- doit être l’objet d’un contrôle social, c’est réussi ! Le journal a voulu rebondir sur l’opération #Lundi14septembre organisée par des adolescentes protestant contre les restrictions vestimentaires arbitraires imposées aux filles dans les lycées et collèges. (lire : #LUNDI14SEPTEMBRE, LA RÉVOLUTION FÉMINISTE D’ADOS « PROVOCANTES »). Il a demandé à l’Ifop de sonder l’opinion. Et le résultat a provoqué une vague de consternation chez les féministes.
Questionnons les questions
Un sondage en dit en général plus sur celui qui pose les questions que sur ceux qui y répondent. En l’occurrence les concepteurs des questions ont conforté le sexisme ambiant. Ils n’ont pas commencé par demander si les Français.es trouvaient normal que des « tenues correctes » soient demandées aux filles et pas aux garçons. Normal que des garçons en shorts courts puissent entrer dans leurs établissements scolaires et pas les filles portant les mêmes shorts ? Ils n’ont pas davantage demandé aux Français.ses s’il était normal qu’on exige des filles qu’elles se protègent du regard et des agressions des garçons, et que l’on n’apprenne pas aux garçons que leurs désirs ne sont pas irrépressibles et que rien ne justifie une agression sexuelle ou un geste déplacé. Rien ni aucune tenue vestimentaire.
Pas de questions de fond pour savoir si la société considère toujours que les garçons doivent être éduqués pour être des sujets désirants et les filles des objets de désir. Pas davantage de critiques de l’industrie de la mode qui « hypersexualise » les vêtements pour femmes et filles de plus en plus jeunes. Pourtant, la directrice de la rédaction de l’hebdomadaire Marianne s’en inquiétait sur France Inter samedi.
Le sondage de l’IFOP ne demande l’avis des Français.es que sur quelques centimètres de bout de tissus par-ci par-là. Et ainsi entérine l’idée hautement sexiste selon laquelle le corps des filles doit être contrôlé par la société.
Conservatisme ou peur ?
Pire : il illustre les questions par des dessins sexy. Et les commentaires du pilote du sondage dans Marianne sont gratinés. Il juge les femmes « plus conservatrices » en « matière d’injonction vestimentaire, qui se vérifie presque pour chaque tenue testée par l’institut de sondage »… Avant de se gratter la tête et d’avancer timidement l’hypothèse : « du fait des nombreux cas de harcèlement de rue, peut-être les femmes expriment-elles ici leur désarroi en pensant que le fait de ne pas porter ce type de vêtements réduit les risques de comportements violents à leur égard. » Sans blague ! Et si ces femmes exprimaient de la peur et pas du conservatisme. Et si les hommes qui se montrent moins « conservateurs » exprimaient autre chose ? Le chemin est encore long dans les méandres des pensées des sondeurs pour poser d’autres questions et orienter autrement l’opinion…
Laurence Rossignol, ex Ministre en charge des Droits des femmes, a préféré en rire :
Et même pas une question sur le port obligatoire de la ceinture de chasteté pour les mineures et les femmes de chevalier! #pffff https://t.co/L9MhygDfO3
— Laurence Rossignol (@laurossignol) September 29, 2020