La nouvelle loi sur le harcèlement sexuel est sur le point de voir le jour. Le texte propose une double définition et des circonstances aggravantes, pour cerner au mieux le phénomène.
Le 12 juillet, les sénateurs avaient adopté le projet sur le harcèlement sexuel à l’unanimité. Les députés ont fait de même, mercredi 25 juillet après une nuit de débat, en ne modifiant qu’à la marge le texte du Sénat. Restera à trouver un terrain d’entente en commission mixte paritaire, jeudi. L’adoption définitive du texte par les deux chambres interviendra mardi 31 juillet. Il aura fallu moins de 3 mois pour combler le vide juridique après que le Conseil constitutionnel a abrogé, le 4 mai, le délit de harcèlement sexuel pour cause de définition imprécise.
Ce texte « n’est sans doute pas parfait mais il est juridiquement solide », juge la ministre des Droits des femmes. Sitôt qu’elle sera adoptée, la loi fera l’objet d’une grande campagne de sensibilisation, a annoncé Najat Vallaud-Belkacem. Avant même le vote du projet de loi, la ministre relevait un point positif du choc provoqué par la censure du Conseil constitutionnel : « on n’a jamais autant parlé de harcèlement sexuel que depuis le 4 mai, ce qui a encouragé de nombreuses victimes à mettre des mots sur leur souffrance – à oser en parler et à porter plainte ».
Une double définition
« « Quand vous portez cette robe, vous devriez ajouter une ceinture pour mettre vos fesses en valeur. » : s’agit-il d’un compliment ? Que l’intéressée proteste et sa vie professionnelle devient un enfer ». La secrétaire générale de l’AVFT (Association contres les violences faites aux femmes au travail) Marilyn Baldeck, auditionnée par le Sénat, expliquait ainsi que le harcèlement sexuel ne doit pas être considéré uniquement comme la recherche d’une relation sexuelle.
De fait, le nouveau texte punit de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende le harcèlement sexuel, défini comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »
Est assimilé au harcèlement sexuel et puni des mêmes peines « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Circonstance aggravante de vulnérabilité sociale, une première
Le texte, c’était prévu depuis le premier projet présenté par le gouvernement, fait de l’abus d’autorité une circonstance aggravante. Et une nouvelle circonstance aggravante est venue s’ajouter lors du débat parlementaire : la vulnérabilité de la victime due à la précarité économique ou sociale. Une disposition innovante issue de la commission des Affaires sociales du Sénat.
Sa rapporteure Christiane Demontès soulignait que « la précarité sociale de nombreuses femmes – 80 % des emplois à temps partiel et 60 % des emplois en CDD sont occupés par des femmes – les rend plus fragiles face à leur harceleur » et que, dès lors, « abuser de leur situation de faiblesse est un comportement particulièrement choquant et méprisable, qui mérite d’être plus lourdement sanctionné ».
Vers un Observatoire des violences
Les débats parlementaires auront également mis en avant l’insuffisance des données relatives aux violences faites aux femmes en général. La députée socialiste Pascale Crozon, rapporteure du texte, rappelle que les auteurs de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences conjugales avaient proposé la création d’un Observatoire des violences faites aux femmes. Mais le gouvernement précédent s’y était opposé, pour des raisons budgétaires.
Najat Vallaud Belkacem se dit pour sa part « absolument favorable » à un tel observatoire et « propose que sa création trouve place dans un projet de loi qui sera adopté à l’automne prochain, et qui aura pour finalité d’améliorer le dispositif de lutte contre les violences faites aux femmes. » Ce projet de loi annoncé doit venir renforcer le texte du 9 juillet 2010, qui « souffre d’un manque de moyens et d’imperfections que nous pourrions corriger », selon la ministre. Les auteurs de la loi eux-mêmes faisaient ce constat dans un premier bilan en janvier dernier.
Image : Christiane Taubira à l’Assemblée nationale, le 24 juillet