Elue à la mairie d’Aix-en-Provence, Gaëlle Lenfant a revécu la colère et la honte d’une agression sexuelle dont elle accuse Eric Zemmour, en découvrant, dans sa ville, une affiche du possible candidat à la présidentielle.
« En ce même moment me revenait cet instant de ma vie dégoûtant, qui, chaque fois que j’y repense (et j’y repense…) me rend nauséeuse, de colère et de honte, parce que même en raisonnant, je ne peux me dépouiller de cette honte ancestrale, celle que chaque femme agressée qui me lira comprendra » : c’est ainsi que Gaëlle Lenfant raconte, sur Facebook, ce mauvais souvenir qui a ressurgi lorsqu’elle a découvert, dans les rues de sa ville un portrait géant d’Eric Zemmour. L’affiche avait été accrochée à un échafaudage du cours Mirabeau à Aix-en-Provence par des militants déclarant soutenir la candidature à l’élection présidentielle de celui qui ne s’est pas encore décidé.
Le sale souvenir date de 2006, aux Universités d’été du Parti Socialiste à La Rochelle. Eric Zemmour est un polémiste/journaliste/chroniqueur qui vient d’être condamné pour injure et provocation à la haine, mais sévit toujours dans de nombreux médias. En 2006, il était journaliste au Figaro, Gaelle Lenfant était jeune militante du PS. La veille des faits, au cours d’un dîner avec cinq personnes « il ne se passe RIEN, rien d’autres que des conversations polies avec Zemmour » écrit-elle. Mais lors d’un atelier des universités d’été, Eric Zemmour viendra s’asseoir devant elle et, écrit l’élue encore traumatisée : « L’atelier se termine, je me lève, il se lève aussi. M’attrape par le cou. Me dit ‘cette robe te va très bien tu sais ?’ Et m’embrasse. De force. Je me suis trouvée tellement sidérée que je n’ai rien pu faire d’autre que le repousser et m’enfuir en courant. Trembler. Pleurer. Me demander ce que j’avais bien pu faire. »
Elle décrit l’impuissance des victimes de ce genre d’agressions sexuelles : « Je n’avais rien fait, rien dit, rien montré, rien voulu. Je n’étais bien sûr pour rien là-dedans. J’étais juste une chose dont celui qui se définit lui-même comme « prédateur sexuel violent » avait eu envie, et quand on a envie, dans son monde, on se sert. Il s’est servi. C’est tout. C’est tout. Il s’est servi. C’était il y a des années, mais le dégoût ne s’en va pas. »
C’était 11 ans avant #MeToo et #BalanceTonPorc, les femmes devaient ravaler l’humiliation, la peur, le dégoût, la sidération et passer à autre chose. Elles parlaient parfois de ces agressions à un cercle de proches mais il ne se passait pas grand-chose. Au-delà de ce cercle, l’affaire était minimisée et tout le monde se sentait impuissant face à ces hommes qui « se servaient » sans vergogne. Des hommes qui détenaient les clefs du pouvoir et en particulier le pouvoir de qualifier de « drague lourde » ou de « geste un peu déplacé » ce qui aurait dû être qualifié d’agression sexuelle. Pouvoir de qualifier leur victime d’affabulatrice, allumeuse, ou consentante… avec la complicité de leurs courtisans.
En 2021, ce système de qualifications / disqualifications est un peu enrayé. Les journaux qui parlent de cette affaire, globalement, qualifient correctement les faits. Le seuil de tolérance à ces agressions sexuelles recule. Mais sur les réseaux sociaux c’est un festival. Si Gaëlle Lenfant a reçu de nombreux messages de soutien, les amis d’Eric Zemmour crient à la « boule puante » lâchée pour empêcher leur idole de devenir président de la République ou traitent sa victime de chochotte.
Eric Zemmour, qui a écrit en 2006 justement un pamphlet contre la fantasmée « féminisation de la société », n’a pas du tout apprécié la libération de la parole des femmes. Interrogé sur Europe 1 en 2017 alors que venait de sortir le hashtag #BalanceTonPorc, il faisait partie de ceux qui parlaient de « délation » mettant ainsi les agresseurs sexuels dans le même camp que les Juifs dénoncés par des lâches.
Ajout le 29 avril : Gaëlle Lenfant a déposé plainte. Depuis qu’elle a rendu publique cette agression sexuelle, elle reçoit une avalanche d’insultes et des menaces de mort.